« ROSE DES VENTS » Film des comédiens routiers

Presque sans argent, avec leur bonne volonté, leur enthousiasme et leur jeunesse pour capital, les comédiens-routiers ont réalisé un film, le leur : Rose des vents. Imaginez une troupe de comédiens comme il en existait au moyen âge : errant de village en village, plantant çà et là leur théâtre (quelques planches, des piquets, de la toile), couchant sous la tente, vivant à la belle étoile, au beau soleil, aimant leur métier, sachant faire rire et pleurer les bonnes gens de campagne, improvisant sur les tréteaux, mimant, chantant, dansant : de vrais comédiens. Et jeunes ! 16, 18, 20 ans (le plus ancien en a 23). Tels sont les comédiens routiers, dont M Léon Chancerel, ancien collaborateur de Jacques Copeau, dirige la compagnie.

On ne connaît pas leurs noms. Chez eux, pas de vedettes : une équipe. Et, pour répertoire : des farces, des drames, des récitations chorales s’inspirant des vieilles légendes de notre littérature, de notre folklore.

Que cherchent-ils ? « Ils veulent, nous a dit leur directeur, affranchir le théâtre des emprises — littéraires et commerciales — qui le détourment de son but véritable ; verser de l’émotion et de la joie au cœur des gens. » C’est une sorte de sacerdoce. Comment conçoivent-ils cette libération ? En revenant aux formes primitives de leur art. En bannissant tout naturalisme, tout individualisme. En cherchant la vérité non dans la vraisemblance, mais dans le sens symbolique et humain de leur spectacle. En somme, ils voudraient ressusciter, en l’adaptant à l’époque, la vieille comédie italienne avec ses types, ses personnages éternels.

Pour mener à bien cette tâche originale et noble, il fallait une équipe de jeunes gens ardents et disciplinés. C’est le cas des comédiens-routiers. Ils ont une doctrine, l’amour du grand air, la santé physique et morale.

1934-04-26_Par vous_Film des Commédiens-Routiers_01
Représentation ce soir : Les comédiens montent leur théâtre.

Voici leur premier film, conçu et réalise par Léon Chancerel, leur chef. C’est, légèrement romancée, l’histoire de leur vie vagabonde : le « théâtre des Quatre-Vents » s’en va par les routes, dans son camion. Dans un village breton, il s’arrête, dresse ses tréteaux, et donne, devant les paysans, une représentation. Mais leur chef est blessé. Il meurt, et ses compagnons, désemparés, se séparent. Un seul continue l’œuvre entreprise, avec les marionnettes que lui a données un vieux médecin.

Sans doute il y a, dans Rose des vents, au milieu de quelques belles images, des maladresses, dues à l’inexpérience cinématographique de ses réalisateurs. Mais qu’importe ! Ce qui compte, c’est le jeu simple et émouvant de ces jeunes hommes, la sincérité avec laquelle ils expriment ce qu’ils ont à dire, et le beau souffle de foi qui les inspire.

Jean Vidal. Pour vous, 26 avril 1934

Similar Articles

Comments

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Populaire