Réflexions sur la volonté – Jeunesse et Montagne

Il n’y a que la foi qui soulève les montagnes et rien n’y supplée. Aucune grande œuvre ne peut être entreprise et menée à bien sans cette flamme intérieure qui dévore notre inertie instinctive et nous jette à l’assaut des dangers.

Mais quel que soit le soin que nous prenions de bien entretenir cet état de foi active, est-on bien sûr de pouvoir en disposer constamment, comme d’un bien restant à la portée de notre main ? L’expérience de la vie nous démontre chaque jour le contraire : la pesanteur de notre nature, la sécheresse de notre imagination, l’attrait des chemins de traverse se liguent pour nous détourner du but que nous nous sommes fixé. Aussi nous ressentons la nécessité absolue, pour poursuivre notre route de faire appel à cet humble compagnon, de mine ascétique, que rien n’effraie et que rien ne décourage et qui s’appelle : La Volonté.

C’est le serviteur de nos desseins bons ou mauvais, et ce n’est pas à lui qu’il convient de demander des comptes sur nos actions.

Ne faisons donc pas de la volonté une vertu, mais considérons-la plutôt comme un mécanisme qu’il faut étudier avec soin, entretenir jalousement pour qu’il puisse au service de notre foi et de notre intelligence, opérer les miracles que nous attendons.

Pourtant son rôle modeste d’auxiliaire ne doit pas nous donner le change. La volonté constitue une pièce maîtresse de notre personnalité humaine. Si l’homme est un animal raisonnable, doué du don mystérieux de la liberté, il ne peut en faire exercer en fait sa souveraineté que par un effort de gouvernement sur lui-même. La liberté de ses actions, il l’acquiert de haute lutte par une bataille quotidienne sur la lourdeur de l’instinct. Et qui pourra prétendre que le plus grand bien de ce monde n’est pas la possession complète de soi-même.

Pas de notion plus familière à tous – mais aussi pas de discipline plus négligée que de nos jours.

En fait, dans la civilisation moderne tout concourt à atrophier ce sens vital de l’homme.

Peut-on prétendre que le machinisme, la publicité, la presse, la radio n’entraînent pas une perte du sens de l’effort, condition impérieuse de l’exercice de la volonté ?

En France notamment la dépression était plus forte qu’ailleurs et rien n’avait été fait jusqu’ici pour la combler. On cherchait en vain dans l’éducation donnée aux jeunes Français, une sollicitation vers l’énergie corporelle et l’esprit d’entreprise – l’idéal des bons élèves était le diplôme donnant droit à la carrière de tout repos avec la retraite assurée.

Le résultat n’a pas fait défaut et il serait cruel d’insister auprès de ceux qui ont assisté au spectacle de la défaite. Ce qui importe bien plus c’est de se mettre résolument à la tâche, et de reforger patiemment les jeunes volontés françaises.

Quand on embrasse d’un coup d’œil l’histoire de notre pays, on est frappé devant la dépense d’énergie, de ténacité, d’effort qu’il a fallu pour constituer notre unité. Que l’on ne vienne donc pas dire de notre peuple qu’il est foncièrement léger et inconséquent, alors que la conquête de l’empire fait partie de l’histoire contemporaine.

Nous avons tous de la volonté : il faut seulement la réveiller, l’exercer chez nous et chez les autres. C’est l’affaire de soins journaliers, de lutte opiniâtre dans les petites choses, de persévérance aussi bien dans le succès que dans le désastre.

Nous sommes placés à la meilleure école, celle de la montagne, car elle est celle des petites occasions et des grandes… Assurer le ravitaillement quotidien de nos équipes est aussi formateur que de venir à bout des parois grandioses. Et si nous avions besoin d’encouragement dans notre entreprise d’affranchissement personnelle, jetons les yeux sur l’exemple que nous donnent à chaque heure les montagnards que nous fréquentons, les paysans, les chasseurs et plus près de nous, nos moniteurs et nos guides.

Riches ou pauvres, instruits ou ignorants, ils nous apprendront comment on vient à bout de la nature et de soi-même et comment en définitive, on devient un homme en le voulant.

Henri RIPERT, Chef du Centre Ecole de Chaillol – 1941

Nous de Jeunesse et montagne 1940-1944, éditions Publialp,1999, 224 pp

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