Faire Face – Jeunesse et Montagne – 1941

Jeunesse : préparation au métier d’homme, au beau métier d’homme, au dur métier d’homme.

« La Jeunesse, a dit Claudel, n’est pas l’âge du plaisir, elle est l’âge de l’héroïsme ».

Et cette phrase de Claudel a étonné, comme un paradoxe. Pourtant rien n’est plus vrai : une jeunesse qui n’aime que le plaisir n’est pas jeune. Malheur au pays dont la jeunesse n’est pas jeune. Jeunesse, que ce mot si dense et si franc ne soit pas prostitué ! Jeunesse c’est la flamme aux yeux, la force et la souplesse dans le corps, la soif des tâches exaltantes et dures – ou ce n’est rien – La Jeunesse c’est l’exigence.

Mais la jeunesse, c’est aussi la confiance, confiance en des maîtres, qui méritent ce nom galvaudé. Des maîtres qui ne flattent pas mais qui enseignent, et même qui dressent – ou qui redressent. Tout de suite jaillit l’idée d’effort. Et tout de suite aussi celle de discipline. Il ne monte pas longtemps, le présomptueux, fils de la plaine, qui se lance à l’assaut de la pente comme un chien fou.

Regardez-le, avant une heure, jambes rompues, allure saccadée, machine déréglée parce qu’elle n’a pas su, au départ, se régler. Quelle joie au contraire à voir monter sans-à-coup, allure coulée, machine bien huilée, l’alpiniste.

Il est maître de son effort, et son effort devient invisible. De la même manière le jeune homme montera, dans sa vie, à l’homme.

Montagne : leçon de vérité virile.

On peut mentir dans la plaine, se parer de toutes les vertus qu’on n’a pas, qu’on voudrait avoir et qu’on finit – magie de ses propres mots – par croire qu’on a. C’est le bluff, forme raffinée insidieuse du mensonge.

Mais la montagne dégonfle tous les bluffs. Aux premières pentes les bavards commencent à baisser le ton. Au pied du rocher c’est le meilleur, qui prend la tête de la cordée.

Et c’est souvent un grand silencieux. Il n’est pas usé en paroles. Toutes ses forces sont fraîches pour affronter, en premier le risque. Non seulement le risque accepté, mais le risque cherché, choisi.

Exercice d’homme, qui cherche la difficulté pour la vaincre et dans cette lutte et cette victoire vérifier ses réflexes.

Jeunesse et Montagne_Faire-Face_02

Ainsi le jeune homme et la Vie ?

Le jeune homme « frémissant jusqu’à serrer les poings du désir de dominer la vie » écrivait Barrès. Il faut commencer par cesser de frémir et serrer les poings : voilà qui ne vaut rien pour la forme. A se contracter en raideurs inutiles, on n’obtient rien de la vie. La vie, à cet égard, ressemble à la neige. « Ne vous raidissez pas » crie le Moniteur à l’homme sur ses skis.

Montagne : où donc jaillit la puissante et la plus saine fierté, celle d’être un homme ? Homme sans présomption, fier d’avoir dominé ce qui dépend, mais humble devant le mystère, plus grand que lui, de la Terre.

« Jeunesse et Montagne » : celui qui accola ces deux mots avait compris l’ordre viril dont la France a besoin.

Ecole de dureté, école de beauté, école de vérité, la montagne maîtresse d’ordre viril, a formé des maîtres capables de satisfaire l’exigence de la Jeunesse et mériter sa confiance.

Je crois entendre, bondissant de sommet blanc en sommet blanc de nos Alpes ce triple cri : Montagne… Jeunesse… France…

Jean-Jacques CHEVALLIER, 25 mars 1941

Nous de Jeunesse et montagne 1940-1944, éditions Publialp,1999, 224 pp

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