Ski d’hier – Les camarades de la routes, Routes, 1942

Les populations scandinaves usaient des skis à l’époque préhistorique. Sans remonter au déluge, au siècle de Louis XIV la Laponie était encore une terre peu connue, d’où l’on pouvait rapporter les lignes, suivantes teintées d’émerveillement :

« Nous fûmes assez heureux à la chasse le dimanche, nous rapportâmes quantité de gibier, mais nous ne vîmes rien qui mérite d’être écrit qu’une paire de ces longues planches do bois de sapin avec lesquelles les Lapons courent d’une si extrodinaire vitesse qu’il n’est point d’animal, si prompt qu’il puisse être, qu’ils n’attrapent facilement, lorsque la neige est assez dure pour les soutenir.

« Ces planches extrêmement épaisses sont de la longueur de deux aunes (2 m. 30) et larges d’un demi-pied (0 m 10) | elles sont relevées en pointe sur le devant et percées au milieu dans l’épaisseur, qui est assez considérable à cet endroit, pour pouvoir y passer un cuir qui tient les pieds fermes et immobiles. Le Lapon qui est dessus tient un long bâton, à la main, où, d’un côté, est attaché un rond de bois afin qu’il n’entre pas dans la neige et, de l’autre, un fer pointu. Il se sert de son bâton pour se donner le premier mouvement, pour se soutenir en courant, pour se conduire dans sa course et pour s’arrêter quand il veut.

Il est assez difficile de se figurer la vitesse de ces gens, qui peuvent, avec ces instruments, surpasser la course des bêtes les plus rapides ; mais il est impossible de concevoir comment ils peuvent se soutenir en descendant les fonds les plus précipités et comment ils peuvent monter les montagnes les plus escarpées. »

Chronique Scandinave d’Olaus », Magnus, 1553
Chronique Scandinave d’Olaus », Magnus, 1553

Jusque-là, les skis n’avaient servi que pour des fins utilitaires, mais, en tant que sport, le ski date seulement de 1870 et il est né en Norvège. Malgré de nombreux essais antérieurs, ce sport ne s’acclimata dans l’Europe Centrale que vers 1890. A partir de ce moment, le ski prit dans nos régions un développement soudain et considérable ; déve­loppement qui a subi la marche inverse, qu’il avait eu en Norvège, c’est-à-dire qu’étant d’abord un sport le ski est devenu ensuite un moyen pratique de locomotion.

Les membres du Club Alpin furent des premiers à s’occuper de la question, ses membres avaient toujours regretté d’être obligés de délaisser la montagne lorsque arrivait l’hiver. Il y avait bien les raquettes qui étaient déjà d’un usage courant dans nos bataillons de montagne. Certains alpinistes les utilisaient et avaient même réussi de belles courses d’hiver. Mais ce mode de circulation était lent et pénible et ne permettait que des ascensions à moyenne altitude.

Dès 1878, Henri Duhamel avait chaussé, à Chamrousse, des skis fabriqués en Norvège, mais des attaches de fortune lui causèrent tellement d’ennuis qu’il dut abandonner ses essais.

Il faut arriver jusqu’en 1895 pour assister à l’utilisation du ski, par l’armée d’abord, puis par quelques montagnards, parmi lesquels le docteur Payot, de Chamonix, et M. Paul, de Grenoble, qui furent sans doute les premiers skieurs français.

Chronique Scandinave d’Olaus », Magnus, 1553
Chronique Scandinave d’Olaus », Magnus, 1553

Le Club Alpin, se rendant compte de toutes les ressources que pouvait offrir le ski, tant aux alpinistes pour leurs courses d’hiver qu’aux montagnards pour leur vie journalière, ne lui ménagea pas ses encouragements.

Il organisa d’abord la fabrication des skis en France, puis en assura une distribution gratuite ou à des prix très réduits aux habitants des hautes vallées, susceptibles de devenir des moniteurs. Enfin, il institua, dans des centres les plus appropriés, des concours internationaux : mont Genèvre, en 1907 ; Chamonix, en 1908 ; Moretz, en 1909.

Les scènes du film « Le Ski français », où l’on voit des dames en canotiers, emmitouflées de cache-nez, et des messieurs barbus glisser audacieusement sur des pistes de tout repos, ont dû être tournées au cours de manifestations similaires.

Dans chaque région et même dans chaque bourg de montagne, on vit se former une société die ski. Le Club Alpin groupa autour de lui toutes ces bonnes volontés pour leur donner l’unité et la cohésion nécessaires, sous cette active impulsion, l’alpinisme hivernal prit un développement extrêmement rapide.

Pendant ces mêmes années, le Club Alpin s’employa à équiper à l’usage des skieurs tous ses refuges et chalets, à en aménager de nouveaux et à jalonner les itinéraires d’hiver pour se rendre à ces refuges.

Chronique Scandinave d’Olaus », Magnus, 1553
Chronique Scandinave d’Olaus », Magnus, 1553

On fonda de grands espoirs sur l’emploi du ski par les montagnards pour révolutionner leur façon débilitante d’hiverner. Un docteur écrivait les lignes suivantes : « Il faut visiter en hiver les hameaux élevés de Savoie, Dauphiné, Briançonnais, pour se rendre compte des bienfaits que la pratique du ski apportera parmi les habitants au point de vue de l’hygiène et de l’amélioration de la race. » Les prévisions du bon docteur pêchaient un peu par optimisme.

A l’époque héroïque où le ski prit son essor, les professeurs étaient charmants pour encourager les adeptes féminins. Certains d’entre eux poétisèrent l’enseignement de la technique. Moustache fine, c’est la bouche en cœur qu’ils devaient débiter : « Vous êtes lancé… La vitesse augmente et voici un léger obstacle, un mamelon, un fossé. Ne vous raidissez pas. Fléchissez les jambes et redressez-vous aussitôt           l’obstacle est franchi, vous laissant la délicieuse sensation du nageur que la vague soulève. » Avec un souple mouvement ondulatoire de l’avant-bras.

Naturellement, pour les audacieuses qui risquaient l’ascension, i| convenait d’adopter des robes retaillées, des jupes courtes, qui s’arrêtaient, par exemple, à 15 centimètres de la terre. En bon drap solide. Si elle était courte, la jupe devait être ample pour l’aisance des mouvements. On lui donnait 2m80 de tour, au moins. Et on n’oubliait pas le canotier de paille…

Certaines personnes pensaient qu’il était préférable d’adopter le costume masculin pour les ascensions. Mme Vaillot, notamment. Mais c’était d’une extravagante audace.

Comme le teint à la mode était pétri de lis et de rose et la pâleur phtisique fort bien portée, les soins du visage causaient de graves problèmes.

On recommandait l’emploi de la lanoline — ça sent bien un peu le suint de mouton, mais pour être belle… Une des meilleures crèmes était la pommade Sécheraye, mais elle avait un inconvénient : elle était jaune. Enfin, pour mémoire, un moyen qui ne ralliait pas tous les suffrages : le noir de fumée.

Ceci nous enseigne que les réalisations les plus souhaitables sont longues à s’implanter ci que nous devons travailler encore, par l’exemple, pour amener nos jeunes camarades des usines à ne plus considérer la neige comme une joie réservée à une certaine classe, mais comme une richesse première à la disposition de tous les jeunes travailleurs.

Pierre BOLLA. Les camarades de la routes, Routes, Novembre-Décembre 1942

Les lettrines représentent des Finnois à la chasse et en voyage (Extraits de la « Chronique Scandinave d’Olaus », Magnus, 1553).

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