Les cyclotouristes apparaissent en ce siècle comme des sages… Quoi de mieux pour s’évader de la ville, pour visiter un pays, pour en apprécier les détails et les charmes, qu’une bicyclette ?
– Un cheval ! » répondront les cavaliers. Sans doute mais avoir un cheval offre aujourd’hui bien des difficultés : il faut le nourrir, il faut le loger et il coûte cher. La bicyclette, elle, a conquis le monde. Partir quand on veut, s’arrêter quand bon vous semble, abandonner la route droite et poussiéreuse pour un sentier aux détours tentants, être en somme, son maître, voilà ses avantages. Ce sentiment de liberté que l’on éprouve à pédaler dans la campagne, vaut bien des joies.
Voyager agréablement
Le cyclotourisme convient à tous : aux jeunes comme aux moins jeunes. Il ne s’agit pas d’accomplir des performances, de « bouffer » des kilomètres, l’œil fixé sur la montre. Non, mais simplement de rouler normalement, régulièrement, sans forcer, en un mot, de voyager agréablement. Selon les possibilités physiques, on peut couvrir en une journée, de 80 à 300 kilomètres. Il n’est pas indispensable d’avoir une machine spéciale, mais il faut néanmoins avoir une bicyclette possédant de sérieuses qualités :
- — Un cadre rigide dessiné comme un cadre de course, avec cependant la possibilité de mettre de gros pneus dans les fourches avant et arrière. Il est bon aussi que le pédalier ne soit pas trop bas, pour pouvoir passer sans encombre dans les sentiers caillouteux ou dans les bois.
- — Un changement de vitesse permettant trois ou quatre développements. Les vitesses peuvent varier entre 2 m. 10 et 7 mètres. Il est préférable de choisir des développements un peu trop grands.
- — Des pneus d’une section en rapport avec le poids du cycliste : pas inférieure à 38 mm, et allant jusqu’à 45 mm, si le cycliste pèse plus de 80 kg.
- — Une bonne selle. La meilleure est celle habituellement employée par les champions routiers. Pas de gros ressorts sur lesquels on glisse et qui gênent le coup de pédale.
- — De bons freins. Ceci est indispensable. La sécurité du pilote en dépend. Le frein à tambour est à recommander pour l’arrière, mais pour l’arrière seulement. Dans les longues descentes, il évite le chauffage excessif d’un pneu.
- — Un porte-bagages.
- — Un sac de guidon.
- — Un éclairage.
- — Des garde-boue.
Position et tenue
La position du coureur et celle du touriste est sensiblement la même. Il y a cependant une légère différence commandée par le confort. Le cyclotouriste doit avoir le buste un peu moins courbé.
Encore une fois le cyclotourisme n’est pas une course de vitesse. Il faut au contraire prendre son temps, regarder le paysage, pédaler sans fatigue. Il faut donc, avant tout, être dans une position confortable. Il est utile également d’avoir un guidon comportant plusieurs positions : deux hautes et une basse.
Quant à la tenue, nous pensons que la plus pratique et la plus agréable est le « short », surtout l’été. L’hiver, culottes de golf. En toutes saisons : gants, lunettes, maillots de laine, socquettes ou bas. S’il fait froid, protégez vos oreilles.
Carnet de route
Un voyage à bicyclette se prépare comme un autre. Jacques Oudart, grand cyclotouriste devant l’Eternel, vainqueur d’un prix Duralumin en 1936, et amateur de longues randonnées, telles que les « diagonales » Dunkerque-Perpignan (1.200 km), accomplie en 74 h. 55 en compagnie de Leulliot, et Brest – Menton (1.500 km) en 78 heures avec Deborne, donne sur la préparation d’un voyage les conseils suivants : Connaître d’abord ses possibilités financières et leur conditionner la durée du voyage.
Connaître ensuite ses possibilités physiques et établir le kilométrage total.
Connaissant le kilométrage total établir son, itinéraire dans la région que l’on a choisie.
Tous ces calculs doivent être faits en dessous des possibilités, de façon à avoir un excédent de temps devant soi et un excédent d’argent. Etant en possession des grandes lignes de l’itinéraire, l’étudier sur la carte et préparer un carnet de route de la façon suivante :
Inscrire sur les pages gauches du carnet, les villes traversées et les distances qui les séparent. Noter les sites pittoresques à visiter, les bons hôtels et les difficultés prévues. Les pages droites seront réservées aux notes prises pendant le voyage.
Un tel carnet vous épargnera la peine de consulter à chaque instant la carte. Un dernier conseil : choisissez de préférence les petites routes aux grandes voies encombrées.
Précautions et outillage
Il faut tout prévoir, la panne comme le reste. Le premier soin est d’entretenir sa machine : mettre chaque mois quelques gouttes d’huile dans les roulements (moyeux, pédalier, direction), à l’entrée des gaines de freins et de dérailleur. Tenir la chaîne propre, la huiler également, mais bien essuyer avant de rouler pour éviter que la poussière ne s’y colle. De temps à autre, resserrer les boulons.
Vous devez avoir : une clef huit trous, une petite pince, un tournevis, une lime plate, un câble de frein AV et un de frein AR, un câble de dérailleur, un pointeau, un rouleau de chatterton, un mètre de fil de fer recuit, 3 ou 4 sans soudure, une boîte de réparation pour les pneus, quelques maillons de chaîne, quelques boulons et écrous du même type que ceux de votre vélo, une lampe électrique et quelques ampoules de rechange AV et AR. Ainsi paré, vous pourrez prendre la route et rouler sans souci vers d’autres horizons.
Alain BERNARD. Franc-Jeu, 11 octobre 1941