L’appel de la terre – Marianne 1938

Les œuvres de Giono ou de Ramuz l’ont évoqué avec une puissance, une âpreté et une intensité de tous les instants. Les résonances n’en furent point perdues. Elles firent, en effet, germer maintes tentatives que favorisent encore la crise et la tristesse ambiante. Chez les jeunes, chez tous ceux qui ne veulent pas se résigner à une simple et banale acceptation de la vie quotidienne, sommeille l’espoir d’une existence épanouie, ensoleillée.

Ils partaient pour retrouver, dans la nature, l’éternelle leçon, pour y puiser avec les forces renouvelées l’espoir d’une vie libre et sincère, la joie de la simplicité reconquise.

C’est en s’inspirant de ces idées, que sont nés plusieurs mouvements dont j’espère pouvoir vous parler un jour plus en détail. Ce sont, en particulier : le centre artisanal et intellectuel de « Moly-Sabata » sur les bords du Rhône, le domaine de la « Terre nouvelle » dans la vallée de la Durance, la très intéressante revue L’Arche, la Maison et les Cahiers du « Contadour », etc… Il faut joindre, à cette brève énumération, le splendide et très important mouvement des Auberges de Jeunesse. Et c’est à ce propos que je voudrais dire quelques mots sur une belle suggestion présentée dans le dernier numéro au Cri des Auberges de Jeunesse par son rédacteur en chef, Marc Augier.

Evoquant d’abord les nombreux villages abandonnés dans le sud et sud-est de la France, il rappelle une tentative infructueuse qui eut lieu au printemps 1936 et que j’ai connue moi-même de près. Quelques jeunes, artistes, intellectuels, avaient décidé d’aller s’installer définitivement dans le petit village abandonné de Travignon. Réduits à leur seule force, ils furent contraints, au bout de peu de temps, de repartir. Ce que Marc Augier propose aujourd’hui est différent. Uniquement pendant la belle saison, les jeunes viendraient faire revivre ces villages. Ce serait « le retour à la terre saisonnier, considéré comme utilisation des loisirs et non comme unique fin et principal moyen de vivre ».

L’idée est fort alléchante et me paraît viable. On peut, dans ces régions, louer une maison pour une vingtaine de francs par an. Et pour qui connaît l’ampleur de ces paysages, leur grandeur truste, la qualité toute spirituelle de leur ciel, la perspective d’aller vivre pendant quelques semaines de vacances au milieu d’une véritable petite république de jeunes, offre à l’esprit une brusque illumination de joie impatiente. Faire revivre un village, l’animer, y créer une atmosphère riche et profonde analogue à celle des décades de Pontigny, éditer en plein XXe siècle une nouvelle Thébaïde, quel rêve ne paraîtra pas dénué de toute saveur à côté de ces souriantes possibilités.

Gaston Diehl. Marianne, TRIBUNE DES JEUNES – 23 Février 1938

 

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