Initiation au Scoutisme

Ces quelques notes ne peuvent viser à offrir une bibliographie exhaustive de la littérature sur le scoutisme. Qui désirerait posséder un répertoire aussi complet que possible des livres scouts de langue française pourrait avec fruit consulter le catalogue de livres édité par la maison « La Hutte »,66 bis, rue Saint Didier, Paris. Cette brochure offre d’ailleurs aussi un choix d’ouvrages originaux en anglais.

Il s’agit ici d’indiquer les maîtres ouvrages, et de tracer quelques pistes, pour employer le langage du milieu ; enfin de recenser un peu plus au long quelques parutions récentes.

I. Ouvrages de Lord Baden-Powell

Le scoutisme est né, tout le monde le sait, de la vie même de Lord Baden-Powell of Gillwel de ses expériences de soldat, de colonial, d’Anglais « impérial ». Le scoutisme a reçu de lui sa marque distinctive. Voilà pourquoi toutes les fois qu’on a voulu le prolonger ou le corriger, — tous les historiens et les théoriciens de la méthode le constatent —, on a dû faire machine en arrière : les prolongements aboutissaient à une impasse. Quelle qu’en soit la raison, le fait est avéré.

Voilà pourquoi la première, et la plus fructueuse, initiation au scoutisme sera toujours à chercher dans les œuvres même de B.-P, Avant tout, il faudra s’adresser à la première qui soit consacrée au scoutisme considéré comme méthode d’éducation pour les garçons et qui parut en 1907-1908 en fascicules : « Éclaireurs », (« Scouting for boys»), un vol. in-16, illustré par l’auteur, 8’éd*. 3 fr. 50 suisses, aux Ed. Delachaux et Niestlé, Neuchâtel-Paris, Cette première lecture donne immédiatement le ton de B.-P. Le scoutisme a été vécu avant d’être pensé : ce livre, lui aussi, est « vécu », empirique, procédant par approches : quelques histoires, une maxime brièvement commentée, des indications techniques, le tout bourré de souvenirs personnels. L’ensemble ne présente aucun ordre systématique visible, mais le garçon lit avec fièvre ces pages qui lui parlent son langage, et lorsque le lecteur a suivi jusqu’au bout le chemin zigzagant que trace l’auteur, il a vu le scoutisme se faisant devant lui.

Plus systématique est le « Guide du chef éclaireur », paru en traduction française chez les mêmes éditeurs (3e éd.t 2 fr. 50 suisses) ; B.-P. y réfléchit devant les chefs sur son système déjà constitué (l’ouvrage date de 1919) et en démonte le mécanisme.

Continuant la publication des travaux de B.-P. la maison Delachaux et Niestlé vient d’éditer «’ Pour devenir un homme » (12 x 18, 192 p„ 21 francs). Pour « faire des hommes », de ces hommes qu’il oppose aux « slobs » (le traducteur dit en français : aux « nouilles »), B.-P., dans une première partie, présente — conformément toujours à sa méthode des exemples concrets, une galerie d’ « hommes courageux ». Les trois autres parties, mi-théoriques, mi-narratives, traitent de la formation du corps, du cerveau, de l’esprit. Tout y est entraînant vivant, personnel, direct ; le ton religieux est très nettement marqué, bien que évidemment insuffisant pour le catholique et appelant par le fait même des approfondissements indispensables, mais des approfondissements qui seraient bien dans la ligne même de la pensée de B.-P.

II. Le scoutisme en France.

Dès ses origines (quelques essais préludèrent avant la guerre ; le véritable départ date des années 1919-20), le scoutisme en France présenta un visage original, fait avant tout de fidélité à B.-P. et en même temps, si paradoxal que cela puisse paraître (mais ces paradoxes sont ceux de la vie), de caractères typiquement nationaux. Ce n’est pas le lieu d’y insister…

La littérature scoute française, à l’image du mouvement, présente la même originalité. Et sans doute est-ce en raison des impérieuses exigences de l’esprit latin que cette littérature, dans ses maîtresses œuvres, s’est attachée à exposer systématiquement le scoutisme, et ensuite à le penser.

Un exposé systématique du scoutisme : voilà ce que l’on trouvera dans l’ouvrage déjà ancien mais toujours indispensable du H. P. Jacques Sevin. S. J. : « Le Scoutisme » (Ed- Spes. 15 fr.). Au besoin, pour quelqu’un qui voudrait savoir l’essentiel, dit par un maître en scoutisme, sur la méthode elle- même, cet ouvrage suffirait.

Le succès étant venu au mouvement (en 1920, 10.000 scouts en France ; en 1937, 72 700), le besoin s’est fait sentir de penser le fait scout, d’en pénétrer l’esprit, de tenter enfin d’en donner une définition pleine et exhaustive. C’est cette définition que vous trouveriez dans « Le Scoutisme de Lord Baden- PoweL méthode et vie », par Bernard Thorel(14 X 23, 292 p., Spes, 1935,18 fr.). Cette étude, présentée en Sorbonne pour le Diplôme d’Etudes Supérieures de Philosophie, se place, après un rapide aperçu historique, devant le scoutisme vivant et s’essaye, méticuleusement comme il convient en une thèse, à saisir ce qui constitue le lien profond unifiant tous ces éléments, si disparates d’aspect, qui entrent dans le scoutisme, mais dont aucun, à lui tout seul, n’est le scoutisme. Une analyse à trois échelons, du cadre de l’éducation scoute, de ses principes, de ses règles morales, amènera l’auteur à conclure que la source de l’unité profonde du scoutisme doit être recherchée dans la vie même du Chef Scout Baden-Powel, colonial et chevalier : analyse patiente, voire scrupuleuse, mais par là même d’une richesse extraordinaire pour qui voudra pénétrer la « philosophie du scoutisme ».

Ce mot vous semble-t-il un peu gros ? Ce n’est que le titre d’une conférence de Mgr Bruno de Solages, publiée à « La Hutte » en une brève mais attachante brochure. Mgr de Solages y dit en pages lumineuses quels sont l’âme et l’esprit du mouvement scout. Ou se demande souvent, du dehors, quelle est la raison de la séduction exercée sur les garçons par cette méthode d’éducation ; l’exposé de Mgr de Solages, admirablement clairet jeune comme tout ce qui nous vient de la plume du Recteur de I’Institut catholique de Toulouse, peut le faire mieux comprendre.

L’ouvrage tout récent de M. l’abbé Claude Lenoir, Aumônier du groupe scout du collège Stanislas :« Le Scoutisme Français » (Paris. Payot, 14×23, 263 p*), 25 fr., se place sur un plan sensiblement différent.

Tout d’abord, par son caractère historique ; sa parution dans la « Collection d’études, de documents et de témoignages pour servir à l’histoire de notre temps » est assez significative par elle-même. Le scoutisme est donc un fait, un fait assez important pour marquer une époque… C’est par la position et la délimitation de ce fait dans le temps et l’espace que s’ouvre le livre : documentaire de premier ordre, ses 263 pages sont bourrées de statistiques, de graphiques que l’historien ne pourra désormais ignorer.

Une seconde originalité de l’ouvrage est qu’il s’adresse à la fois aux techniciens des questions pédagogiques (n’aurait-il pas été à l’origine, comme le travail de B. Thorel, une thèse présentée en vue du diplôme d’études supérieures de philosophie ?), aux chefs d’unités et au grand public des « honnêtes gens ».

Enfin, tout en ouvrant de larges perspectives sur le scoutisme de B -P. et le scoutisme mondial (et cela était nécessaire, le scoutisme étant vraiment un), cette étude nous renseigne tout spécialement sur le scoutisme français, présenté avec sa richesse doctrinale et technique, son attachement fidèle à B.-P. et en même temps son originalité incontestable, ses qualités et aussi ses déficiences loyalement exposées… Ajoutons que ce tableau détaillé, dû à un aumônier Scout de France, s’est attaché à rendre fidèlement les traits caractéristiques des trois expressions du scoutisme français : Scouts de France (catholiques), Eclaireurs unionistes (Protestants), Eclaireurs de France (neutres).

L’ensemble est remarquablement équilibré, précis mûri. Peut-être pourra-t-on regretter un passage obscur {p. 218) au sujet de la disparition du Général de Salins et du Chanoine Cornette. Mais ni cette obscurité, ni l’ensemble de l’exposé de l’abbé Lenoir, ne semblent justifier les inquiétudes manifestées par la recension parue dans F « Ami du Clergé » {N* du 17 3 38. Pp. 175-176). On pouvait croire le temps de ces inquiétudes terminé : le mouvement n’a-t-il pas prouvé son orthodoxie en marchant droit ?

III. — Technique scoute.

Le scoutisme ne peut pas et ne veut pas être « désincarné ». Il a donc sa technique et sa littérature technique. Celle-ci est déjà considérable, concentrée, en ce qui concerne les éditions de langue française, à Neuchâtel (Ed. Delà chaux et Niestlé), à Louvain (« Le Lasso », Editions Scoutes) et à Paris (Editeurs divers).

L’essentiel en a été longtemps constitué par des traditions d’auteurs anglais : Baden-Powell d’abord, puis Roland Philipps, Vera Barclay (pour le louvetisme, et l’équipe Gilcraft.

Mais très vite une littérature originale d’expression française s’est constituée, qui, au témoignage de l’abbé Lenoir (op.; cit p, 121) « (fait) autorité dans le monde scout international ». Citons surtout, chez les Scouts de France, Georges Tisserand, « Silences et réflexions du scoutmestre » (La Hutte, 1U fr.),

« En cours de route » (La Hutte, 12 fr.), Pierre Delsuc, « Plein Jeu » (La Hutte 12 fr.)* * Et l’essentiel n’est peut-être pas tant dans les livres que dans les travaux innombrables publiés dans les revues, qui sont, pour les Scouts de France : « Le Bulletin de liaison » (Aumôniers), « Le Chef ». et l’admirable « Route ».

Mais voici que de Belgique, des Editions scoutes du « Lasso ». 10. rue de la Monnaie, Louvain, nous arrive un tout récent « livre de nature » de Pélican

Noir ; « Bêles de nos bois » (12×15, 146 p.) Les livres de nature publiés à l’intention des scouts ou des amateurs en général sont déjà légion (En France, les revues scoutes recommandent toute la collection de J. Delamain, chez Stock). Celui de Pélican Noir se limite à décrire une soixantaine de bêtes de nos bois, « ces êtres habiles, curieux, forts, menacés, dévoués, et qui ont parfois tant de choses à apprendre aux hommes que les saints les ont pris pour témoins, et le Christ-Jésus lui-même », Le petit manuel de Pélican noir n’est nullement et ne veut nullement être un livre scientifique ; livre d’amitié pour les bêtes, fait pour les scouts et la découverte, il sent la forêt, et l’affût dans les herbes…

Ami lecteur, en définitive, c’est là seulement que l’on peut trouver le vrai scoutisme, dans cette forêt et cette nature qui constituent son vrai milieu et qui l’empêchent de se figer ou de se racornir. Tous les livres du monde n’en pourraient donner qu’une image froide et lointaine, un symbole. La réalité est tellement plus complexe et plus riche, au-delà de toute attente…

Voilà pourquoi le livre scout n’est jamais dans l’intention de son auteur autre chose que le signe, le signe de piste qui conduit le chercheur vers la clairière, au bois, où les scouts vont camper.

André Pailler. Les essais catholiques, octobre 1938

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