En général, le paysan possède un esprit particulier, tendant parfois jusqu’à la méfiance à l’égard du citadin. Et cet esprit, c’est peut-être toi, mon camarade, peut-être tes aînés et sans aucun doute une propagande bien menée et pernicieuse qui en sont la cause. L’habitant de la ville a eu, et a encore, parfois l’habitude de dénigrer l’agriculteur, de tourner au ridicule lui et son travail, toujours aussi, et même plus pénible que celui de l’usine.
C’est à toi qu’appartient de rétablir la bonne entente. Ainsi tu serviras deux nobles causes : la cause humaine et la tienne, celle de ton mouvement, de tes auberges. Lorsque tu iras camper deux ou trois jours près d’une ferme, ne te contente pas de te promener, discute avec le paysan, parle lui de son champ, de ses bêtes, de la récolte prochaine. A l’occasion, donne-lui un coup de main, tu lui feras encore plus plaisir : il verra que dans les villes, il existe quand même de bon gars.
Et surtout, respecte sa propriété, ne va pas te vautrer toute une journée dans un champ sous prétexte que ce n’est que de l’herbe, car pour l’agriculteur, tout a une valeur et la moindre touffe d’herbe représente une goutte de lait en plus.
Le soir, à la veillée, tu auras une bonne occasion de satisfaire ta curiosité et de t’instruire. Il se trouvera sûrement un bon vieux ou une bonne vieille grand’mère. Amène-la dans le domaine du temps passé. Sa langue se déliera peu à peu et c’est avec émotion qu’elle te contera les vieilles coutumes du pays, ses légendes, son folklore. Tu aurais ainsi passé une agréable soirée, et elle sera enchantée d’avoir trouvé un confident. Lorsque tu les quitteras, ils te diront, en te donnant une franche et cordiale poignée de mains : « Bonne route et à bientôt ».
Et si par hasard, tu leur parles de la fondation d’une A.J. dans leur petit village, ils accueilleront la proposition avec un large sourire, sachant qu’ils auront ainsi une compagnie agréable, une jeunesse ardente, heureuse de vivre.
C’est ainsi, mon vieux copain, que, tout en utilisant agréablement tes loisirs, tu serviras le plus utilement ta cause, celle de tous les camarades, enfin celle de tes auberges.
Henri PERRICHON