On connaît l’origine du mouvement « scout » : le général Sir Robert Baden Powell pendant la guerre du Transvaal, assiégé dans Mafeking put résister à des forces considérables grâce à l’aide que lui apportèrent les jeunes gens de la ville.
Sir Robert fut frappé de l’intelligence et du zèle de ses cadets, et la guerre finie, rentré en Angleterre, il fonda à Liverpool, sauf erreur, les premières troupes de boy-scouts.
Aujourd’hui, tous les pays possèdent des éclaireurs, qui forment une véritable association internationale, ou pour mieux dire une fraternité (brotherhood). On compte environ quatre millions de jeunes garçons enrôlés sous le fanion du scoutisme.
Il ne s’agit pas, à proprement parler, d’une organisation universelle. Si les boy-scouts de tous pays ont le même costume, obéissent à la même loi, et pratiquent les mêmes exercices, le lien qui les unit est d’ordre moral. Si Baden Powell est le « chief scout », son autorité n’est que morale, et chaque pays possède son association d’éclaireurs, dirigée par un comité, lequel est absolument libre dans son activité. On ne saurait voir par conséquent, dans le scoutisme, une véritable ligue internationale. Mais comme, dans la loi de l’éclaireur, il est dit que « l’éclaireur est le frère de tous les autres éclaireurs », comme d’autre part, la similitude des programmes des activités rapproche les chefs d’un pays à l’autre, le scoutisme est bien une force mondiale.
Il est sans doute superflu d’expliquer le but et les méthodes du scoutisme. Nous donnons ici, cependant, quelques fragments du règlement suisse qui ne diffère en rien d’essentiel de tous les règlements scouts actuels.
Pour entrer dans le corps des Eclaireurs, le candidat doit déclarer qu’il accepte la promesse et la loi. Cet engagement constitue la base morale de tout le mouvement.
« Promesse de l’éclaireur : je promets sur mon honneur de faire tout mon possible pour :
1° remplir mon devoir envers la patrie,
2° aider mon prochain,
3° obéir à la loi de l’éclaireur.
Les éclaireurs qui désirent exprimer leurs sentiments religieux, prêtent la promesse suivante :
1° remplir mon devoir envers Dieu et la patrie, etc.
“Loi de l’éclaireur :
- L’éclaireur n’a qu’une parole.
- L’éclaireur est respectueux des convictions d’autrui.
- L’éclaireur se rend utile ; il s’efforce, chaque jour, de rendre un service.
- L’éclaireur est un bon fils, il est l’ami de tous et le frère de tous les autres éclaireurs.
- L’éclaireur est courtois et chevaleresque.
- L’éclaireur est bon pour les animaux ; il protège les plantes.
- L’éclaireur sait obéir.
- L’éclaireur est toujours de bonne humeur.
- L’éclaireur est résolu et courageux.
- L’éclaireur est travailleur et économe.
- L’éclaireur est maître de soi.
- L’éclaireur est propre dans son corps, dans ses pensées, ses paroles et ses actes.
‘L’éclaireur s’efforce d’observer cette loi dans toutes les circonstances de sa vie.
‘Dans la règle, l’alcool et le tabac sont interdits pendant les exercices, les réunions, et tant que les éclaireurs portent l’uniforme. Les groupements qui désirent une prohibition absolue sont libres de l’ajouter dans la loi.’
Quel peut être le rôle social du scoutisme ?
Tout d’abord, le scoutisme contribue à former de bons citoyens, mais cela n’est qu’indirectement le progrès social. Par contre, les éclaireurs ont pu aider à diverses reprises le gouvernement, ou des œuvres d’utilité publique. En Angleterre, les boy-scouts ont assumé le rôle important de la police auxiliaire, les boy-scouts, celui de garde-côtes. En Suisse, les éclaireurs ont aidé la Croix-Rouge à organiser des secours pour les grands blessés ou pour les évacués. Récemment, ils ont distribué dans presque toute la Suisse, en Suède, en Angleterre, les prospectus du ‘Save the Children Fund’. En Italie, ils ont collaboré à la distribution des vivres pour les populations nécessiteuses et joué un rôle tout à fait marquant.
M. G. P. Centanini, sous-directeur du Service d’information et de publications de la Ligue des Sociétés de la Croix-Rouge nous fournit à ce sujet les précisions suivantes :
‘A mon avis, écrit-il, parmi les institutions de date récente, il n’y en a aucune, dans le sud de l’Italie, qui ait fait preuve d’une telle efficacité que celle des boy-scouts. Dans le district d’Avellino, dont la Croix-Rouge américaine en Italie m’avait confié la direction, et qui comprenait les provinces d’Avellino, de Benevento, de Salerno et de Campobasso, j’ai pu constater, surtout à l’époque de l’épidémie de grippe, que l’aide des boyscouts a été à tel point essentielle, que je me demande si sans leur collaboration j’aurais pu mener à bonne fin la campagne de secours entreprise dans les mois d’août à octobre 1918. Même dans certaines provinces, comme celle d’Avellino, où, par suite d’un excellent fonctionnement des services publics, les bonnes volontés ne manquaient pas, les boy-scouts se sont chargés du contrôle entier de la distribution du lait. Il s’agissait de surveiller le personnel et les soldats mis à notre disposition pour cette distribution, surtout de vérifier les demandes de lait et de secours. Les boy-scouts n’ont pas hésité à se charger des visites domiciliaires, afin de s’assurer des conditions réelles des demandeurs, c’est-à-dire s’ils étaient vraiment indigents, atteints de grippe, etc. (Les conditions d’habitation y sont terribles : des familles comptant jusqu’à 12 personnes vivent dans une seule pièce non éclairée et non aérée, et il ne faisait pas bon, à cette époque de l’année, faire des visites domiciliaires de ce genre-là). Le service à domicile fourni par eux est pour ainsi dire une ébauche du rôle rempli par les infirmières visiteuses. A un moment où la gravité de l’épidémie avait complètement désorganisé la vie publique, les boy-scouts n’ont pas perdu la tête, et j’ai été surpris de leur esprit d’organisation, qui s’est maintenu pendant toute cette période : je l’attribue à l’habitude de la discipline. L’esprit d’honnêteté et de droiture dont ils ont fait preuve mérite aussi d’être signalé : tout abus ou favoritisme m’était signalé par eux. Les centres du district d’Avellino où il existait des organisations de boyscouts, c’est-à-dire Avellino, Salerne, Nocera et Benevento, malgré l’acuité extrême de l’épidémie qui y sévissait, ont été ceux où le fléau a pu être le plus rapidement maîtrisé. Je n’hésite pas à attribuer aux boy-scouts une large part dans le résultat obtenu.
‘J’ai aussi employé les boy-scouts pour le dressage des enfants miséreux et abandonnés qui infestent les rues dans le midi de l’Italie, et que les Napolitains désignent sous le nom pittoresque de ‘scugnizzi’. On les arrachait du trottoir, et les boy-scouts étaient chargés par nous de les discipliner ; ils les entraînaient à l’exercice quotidien, gymnastique en plein air à heures fixes, promenades aux alentours, moralisation par l’exemple, etc. Cela a réussi à tel point que quand la Croix — Rouge américaine a clôturé ses activités, la ville d’Avellino, soutenue et encouragée par le préfet de la province d’Avellino, a voté la continuation de cette institution.’
On le voit, il y a dans les corps d’éclaireurs un auxiliaire de bonne volonté, et tout prêt à tout ce qui intéresse la charité privée ou d’utilité publique. L’écolier rend service, compte déjà comme une force active dans l’économie de la cité et des pays. Le résultat en est double. D’abord le service rendu n’est point négligeable, puis ainsi l’éclaireur prend conscience de son devoir civique.
Il est certain que ces services pourraient être plus considérables si le pays lui-même les favorisait. Mais, trop souvent, les éclaireurs ne sont en rien soutenus par le gouvernement, qui demeure indifférent à ce mouvement.
L’instruction civique, en particulier, aurait tout intérêt à connaître mieux l’esprit du scoutisme. Le scoutisme est en avance sur le système actuel de la pédagogie officielle, et il n’est pas difficile de démontrer que l’éclaireur subit un entraînement bien plus rationnel que l’élève des grandes écoles primaires. Le point de vue moral seul peut prouver cela. Alors que dans l’école primaire et secondaire, la formation de l’élève se limite à une préparation purement intellectuelle, le chef éclaireur s’efforce d’avoir sur ses scouts une influence morale : lutte contre le mensonge, contre l’égoïsme, contre le scepticisme, contre les vices sexuels, et contre l’alcoolisme. En un mot, formation du caractère.
L’expérience semble prouver que la méthode est bonne. Il suffit de lire les nombreux journaux scouts pour se rendre compte du sérieux de la conviction des jeunes instructeurs. Et le fait que le nombre des éclaireurs augmente chaque année, prouve que la géniale entreprise du ‘chief scout’ répond à un besoin actuel.
En juillet prochain, un grand Congrès international des éclaireurs est convoqué à Londres, et s’annonce comme une manifestation sans précédent dans l’histoire du scoutisme.
Nous indiquons ici quelques adresses, quelques titres de journaux ou de livres qui donneront les renseignements les plus complets aux personnes désireuses de se documenter. Nous ne saurions trop recommander la lecture du livre de Baden Powell, qui est un admirable programme d’éducation civique, et un livre charmant.
Revue Internationale de la Croix-Rouge, février 1920 – Pierre Girard, Instructeur-éclaireur à Genève.
1920-02_ Revue Internationale de la Croix-Rouge_Girard - Le scoutisme et son rôle social