Le 24 juin coïncide avec le solstice d’été, le 25 décembre avec le solstice d’hiver. La lumière du jour a été en augmentant depuis le 25 décembre. Elle va décliner à partir du 24 juin. La nuit la plus courte et la nuit la plus longue de l’année se sont imposées à l’homme comme dates de cérémonies traditionnelles, dont on retrouve l’origine dans les cultes solaires et pyrolatriques, tout spécialement en Europe.
Les anciens voulaient revigorer le soleil
Le fait d’allumer des feux dans cette nuit est dû à une survivance de cérémonie magique qui consiste à provoquer par imitation les faits qu’on désire voir se réaliser. Les hommes, sachant qu’à partir de cette date, le soleil va perdre de la force et du rayonnement, allument des feux afin de lui rendre la vigueur nécessaire à la fécondité du sol, des animaux et des hommes. D’où les rites et les superstitions qui les accompagnent (passage des troupeaux et saut des couples à travers le feu ; cendres chaudes mises dans le nid des poules pour les faire pondre). Comme le soleil, le feu purifie : il chasse la nuit et avec elle les mauvais esprits et les maléfices.
Saint Jean a éclipsé l’astre du jour
Ces coutumes païennes ne cédèrent pas devant la conquête du christianisme. L’Eglise, avec sagesse, les adopta. Mais au soleil, elle substitua ce personnage mystérieux, dont on ne sait presque rien, sinon qu’il baptisait dans le Jourdain, qu’il vivait dans le désert vêtu de poils de chameau et se nourrissait de miel.
A un phénomène cosmique se déroulant dans l’espace, elle ajouta un autre phénomène bien plus extraordinaire se déroulant dans le temps : Jean Le Baptiste, envoyé de Dieu, dernier venu des prophètes, achève les temps anciens et annonce les temps nouveaux ; prestigieuse figure placée au carrefour des temps.
24 juin : solstice d’été et pour nous, désormais, fête de Jean Le Baptiste.
Les feux de la Saint-Jean, contrairement à ce que l’on pourrait croire, ne s’allumaient pas qu’à la campagne. Toutes les paroisses de la capitale avaient jadis leurs feux. Les plus importants étaient ceux de la place de Grève (aujourd’hui place de l’Hôtel de Ville).
Paris allumait ses feux en grand équipage
Le 22 juin, les trois compagnies des archers, gardes de l’Hôtel de Ville, infanterie et cavalerie, l’état-major et un officier à leur tête, allaient, au nom de messieurs de l’Hôtel de Ville, faire semonces au chancelier, au gouverneur de Paris, aux présidents des cours souveraines, d’assister au feu de la Saint- Jean. Le lendemain 23 juin, vers les 7 à 8 heures «lu soir, le gouverneur ou, en son absence, le prévôt des marchands, les échevins, procureur du roi, greffier et receveur de l’Hôtel de Ville, avec des guirlandes de fleurs en baudrier, faisaient trois fois le tour de la place de Grève, puis mettaient le feu au bûcher.
François 1er en 1542, alluma le bûcher devant l’Hôtel de Ville, au bruit «le douze pièces d’artillerie, et Louis XIV lui- même présida un feu de la Saint-Jean et prit part à la danse.
La province allume pour les jeunes filles à marier
Les traditions de la campagne sont mieux connues.
En Bretagne, la première flamme qui s’élève donne le signal ; bientôt, une seconde, puis une troisième ; des feux partout.
Les jeunes filles, parées de leurs plus beaux habits, tournent rapidement autour de la flamme, puis courent vers un autre feu… Ne leur a-t-on pas dit que, si elles en visitaient neuf, elles se marieraient dans l’année ? Pendant ce temps, les fermiers font sauter leurs troupeaux, cherchant ainsi à les préserver des maladies.
Au pays «lu soleil, en Provence, la tradition est belle. Ecoutons Je poète provençal :
« … Sous le mistral qui mugit — pareille à une corne, s’éleva du monceau de ramée — une longue langue de flamme — Alentour les moissonneurs, fous de joie,
Avec leurs têtes fières et libres — se renversant dans l’air vibrant •— tous d’un même saut frappant la terre ensemble — faisaient déjà la farandole — La grande flamme qui glapit — sous la bourrasque qui l’agite — attisait sur leurs fronts des reflets éclatants.
Saint Jean ! Saint Jean ! Saint Jean — s’écriaient-ils — Toutes les collines étincelaient — comme s’il avait plu des étoiles dans l’ombre. »
Feu de Saint-Jean, feu d’amitié
On n’en finirait pas de décrire les traditions de nos provinces : à vous de les rechercher pour votre propre village… et de les faire revivre. Les traditions vous aideront à faire de cette fête autre chose qu’un simple feu de camp (semblable à beaucoup d’autres, par conséquent sans caractère), ou bien qu’un simple bal, analogue à celui du 14 juillet. Ce sont les deux écueils à éviter.
Enfin, en plaçant cette manifestation sous le signe de l’amitié, vous pourrez rassembler des jeunes appartenant à tous les mouvements de jeunesse ; vous aurez en plus fait œuvre utile…
C’est ce que je vous souhaite pour la prochaine Saint-Jean.
G. Baglet. La Page, 22 juin 1950