Te souviens-tu, ami campeur, des jours d’été 1936 et 1937, de cette dernière année surtout ? Tu cherchais en vain, dans tous les coins si charmants d’Ile-de-France, le lieu tranquille où tu pourrais monter ta tente, seul dans ton coin. A perte de vue, partout, des papiers gras, des boites de conserves. Pourtant, là, derrière ces bosquets, non loin de cette ferme, un emplacement rêvé ! Tu t’y précipitais, cherchais le propriétaire. Inutile, il arrivait : « Fichez- moi le camp d’ici. Vauriens ! » « Mais monsieur, nous… ». « Allez, oust ! vous êtes tous les mêmes ».
Et, à la tête de ton petit groupe, tu repartais en campagne, maudissant ce « Péquenot rétrograde ».
Pourtant, n’avait-il pas un peu raison ?
Sans compter les dévastations causées par des vandales, dont nous serons un jour, comme le demande le Péquenot, à tout jamais débarrassés, les paysans ne retrouvaient-ils pas, le lundi, leurs champs souillés par nombre d’immondices, de laissés pour compte, de débris abandonnés sur place par des campeurs trop presses la veille ? Qu’ils ont pu nuire ceux- la, au bon renom qu’avaient acquis les vieux pratiquants du grand air !
Le paysan de chez nous est presque toujours méfiant. Il faut le conquérir. Si on le trompe une fois, il se souvient longtemps. Il va falloir regagner son estime.
Pour cela, ami campeur, souviens- toi d’un principe. Tu dois, à l’exemple des scouts, laisser deux choses à ton départ :
- Rien ;
- Tes remerciements.
Pendant ton séjour, ton hôte aura remarqué ta tenue. Elle est simple, pratique, hygiénique. De grosses chaussures, remplacées au repos par des sandales si tu crains d’être pieds nus, une culotte courte en toile, une chemisette ou une chemises aux manches relevées, un foulard autour du cou largement dégagé, une coiffure simple pour te protéger du soleil. Sur ton sac ou dans ton sac, n’oublie pas le blouson ou l’imperméable, car il faut se méfier de l’averse, le chandail, car il faut se protéger des fraîcheurs du soir.
Veille, en choisissant ces vêtements, à rester simple. Les pompons, les vestes aux couleurs voyantes et formes abracadabrantes, les larges couteaux pendant à la ceinture, n’ont jamais signifiés bons campeurs. Une tenue correcte fait autant, pour trouver un terrain et le conserver qu’une douzaine de recommandations.
Pendant la journée, ton linge de toilettes sera étalé au même endroit le temps nécessaire au séchage, ta vaisselle, lavée après les repas rejoindra aussitôt sa place dans ton sac. Ton emplacement sera net, les ordures dans un trou que tu reboucheras le soir, après avoir effacé les traces de ton foyer.
Pour faire tes courses au village évite le slip, le short trop court, le torse nu. Remets ta culotte, ta chemise. Si ton camp est mixte, veille à ce qu’il reste décent. De toi peut-être dépend la joie d’un grand nombre de campeurs qui te succéderont sur ce mène emplacement ou près du même village.
Mais que ces conseils ne t’empêchent pas de montrer ta gaîté, ta jeunesse. Chante, chante au ciel à la rivière, en soleil, aux étoiles. Chante a la nature entière, a ton beau pays et a ceux qui y virent. Chante à la France nouvelle que tu veux reconstruire. Elle en vaut bien ta peine.
André LEVRIER. Jeunesse, 20 avril 1941.