Berlin, 5 juin. — Depuis la guerre, la vie au grand air a pris en Allemagne un développement extraordinaire. Des sports en plein air font partie du programme scolaire quotidien et le voyageur rencontre souvent des élèves, revêtant des costumes de bain ou de gymnaste, qui jouent à la balle ou à d’autres jeux pendant la « Turnstunde », la leçon de gymnastique du matin.
L’Allemagne est sillonnée de beaucoup de fleuves et de rivières. Aussi les bassins de natation à l’air libre y sont innombrables. En été, les berges des fleuves sont peuplées de multitudes de baigneurs, hydrophiles ou héliomaniaques.
Le nombre des terrains de jeu, où la jeunesse prend ses ébats, ne fait que s’accroître.
En dehors de l’école, on a organisé le mouvement juvénile systématiquement, à l’allemande, sous l’égide d’un « Reichskomité » auquel sont affiliés tous les groupements, toutes les fédérations s’occupant de la jeunesse à un titre quelconque.
Déjà en 1904 M. Karl Fischer avait fondé l’organisation des « Wandervögel » (textuellement « oiseaux migrateurs »). Ce fut l’un des premiers symptômes de la révolte de la jeunesse contre le contrôle des parents et la discipline trop rigoureuse des maîtres. Jeunes gens et jeunes filles, lycéens et étudiants se mirent à parcourir monts et vaux, sac au dos, bâton au poing, chantant, dansant et logeant sous la tente. Certaines scènes, trop de laisser-aller dans les groupes où se mélangeaient les deux sexes ne tardèrent pas à choquer et à irriter les villageois et à provoquer un mouvement d’hostilité de la part des parents, des professeurs et des autorités.
C’est ainsi que M. Richard Schirrmann fut incité à créer la « Jugendherberge », ou auberge de la jeunesse. M. Schirrmann est un instituteur qui, quelques années avant la guerre, fut transféré de l’Est agricole dans la Ruhr industrielle.
Il fut tellement impressionné par les conditions de vie malsaines régnant dans les cités industrielles, et aussi pâlies critiques formulées contre le mouvement des « Wandervogel », qu’il résolut d’y trouver un remède.
Grâce à de nombreux concours, il réussit à créer, en 1911, la première hôtellerie, à Altena, en Westphalie. En 1914, on en dénombrait 200 ; en 1922. 1400, et, à l’heure qu’il est, il en existe 2 106.
Ces hôtelleries sont contrôlées par la Fédération nationale des auberges de jeunesse, dont M. Schirrmann est actuellement le président. Pourtant, elles n’appartiennent pas toutes à la fédération. Quelques-unes ont été construites à l’aide de fonds versés par le Reich, un pays ou une municipalité, un syndicat, un journal ou une société privée.
L’organisation des « Jugendherbergen » est devenue une branche importante du mouvement juvénile : celle qui a pour but d’attirer à la campagne des écoliers et des étudiants, de favoriser les excursions en procurant aux touristes des aliments et un logement à peu de frais.
Des Chemins de fer du Reich accordent aux jeunes gens voyageant en groupe ou en fin de semaine une réduction de cinquante pour cent. Une nuit passée à l’hôtellerie ne coûte/que 20 pfennigs (1 fr. 20), et l’on peut y faire cuire soi-même ses aliments.
Aujourd’hui, les jeunes Allemands peuvent, moyennant des débours insignifiants, traverser leur pays en tous sens, des Alpes bavaroises aux lacs poméraniens, des vieux burgs du Rhin aux collines boisées de la Thuringe.
Toutes les écoles adhèrent à la fédération comme membres collectifs. Il y a dix ans, le ministre prussien de l’Instruction publique institua dans les écoles une journée mensuelle d’excursion, ce qui fait dix jours de promenade par an, ,
Dans beaucoup d’écoles, on s’est accoutumé à combiner ces dix jours pour faire un seul grand voyage dans l’année. D’instituteur se met alors en route avec sa classe, passant chaque fois la nuit dans une auberge différente. C’est ainsi qu’en 1931 plus de quatre millions d’élèves, dont deux tiers de garçons et un tiers de filles, ont séjourné dans les hôtelleries de jeunesse. Ajoutons que l’impression que ces hôtelleries laissent au visiteur est excellente.
La Fédération nationale dépend dans une large mesure des subsides qui lui sont accordés par le Reich, les pays et les villes.
Ces allocations souffrent à leur tour des économies que se voient obligés de faire partout les ministres des Finances. De budget prussien, par exemple qui allouait un million de marks or par an au chapitre « sports, gymnastique et excursions », a réduit sa subvention, pour 1931, à 500 000 marks le Reich donnait 1 500 000 marks en 1928 ; en 1931, il n’a plus accordé que la moitié : 750 000 marks.
Quoi qu’il en soit, le mouvement des hôtelleries de jeunesse est appelé à vivre et à se développer. Il répond a un besoin inné de la jeunesse du Reich, besoin qui est cultivé par les leçons des professeurs et alimente par le goût de la nature, un certain romantisme, et enfin le désir du déplacement qui a de tout temps été vif chez nos voisins.
Ambroise GOT. 06.06.1936, L’Excelsior