Nous allons tenter, mon camarade De Thuisy et moi, de relier la côte de l’océan arctique à Rovaniemi, capitale de la Laponie finlandaise. Nous demandons à nos amis, à nos camarades skieurs, à nos compagnons des Auberges de Jeunesse, de ne pas essayer de découvrir dans ce raid une aventure en territoires inconnus, et comme nous ne sommes ni des ethnographes, ni des physiciens, il n’en sortira pas de conquêtes géographiques ou humaines. Notre ambition est plus limitée et elle se rattache plus intimement aux curiosités des jeunes de notre génération. Si nous réussissons à relier la côte de l’océan arctique à Rovaniemi, nous aurons associé les couleurs de notre Centre laïque des Auberges de Jeunesse au plus grand raid de distance à skis après celui d’Amundsen (bord de la banquise à pôle sud et retour).
Nous emporterons tout notre équipement de camping à dos et nous traînerons derrière nous un traîneau léger (pulka) pour les vingt jours de vivres qui sont nécessaires. Nous avons volontairement augmenté la difficulté de l’entreprise en partant en hiver, puisque notre matériel devra résister aux très grands froids et qu’une grande partie de la marche à skis aura lieu de nuit, les journées étant limitées à deux ou trois heures de pâle lumière sous ces latitudes et à cette époque de l’année.
Nous ne sommes ni des spécialistes des régions nordiques ni des champions de ski. Seulement deux « moins de trente ans » qui appartenons à cette génération des loisirs qui s’est orientée vers les formes saines de la vie de plein air.
On taxe volontiers cette « génération du loisir » d’égoïsme. C’est bien mal connaître les jeunes, et spécialement les jeunes d’aujourd’hui. Ils sont légion ceux qui rêvent de « faire quelque chose ». Notre seul mérite aura été celui de travailler rudement à faire naître l’occasion de nous « réaliser » pour étendre notre champ d’efforts et d’esprit d’entreprise.
Marc Augier
Marianne – 07-12-1938