LE JEU SCOUT VA COMMENCER !

… De grand matin, dès que les beaux jours apparaissent, on les rencontre sur les routes, vêtus de leur pittoresque costume, accompagnés d’un important matériel qu’ils transportent sur le dos, dans leur sac et, parfois dans de petites voitures traînées allègrement par quelques-uns.

Les scouts s’en vont ainsi, vivre quelques heures, quelques jours, une vie toute proche de la nature, inspirée de celle que menaient autrefois les découvreurs de terres nouvelles. Sans doute croyez-vous qu’il ne s’agit pour ces enfants que d’un jeu ? C’est un jeu, en effet, mais accompli avec tout le sérieux et toute la foi que les enfants mettent en cela… un jeu qui a ses règles et comprend certaines obligations qui apportent déjà à l’enfant la conscience d’un devoir.

Qu’est-ce que le scoutisme ?

Il y a ainsi en France plus de 100 000 enfants qui participent au jeu scout. Il y en a bien davantage encore en Angleterre où le mouvement est né voici près de quarante ans. Car le scoutisme a son histoire. En voici les principales étapes :

Au cours de la guerre des Boers, dans Mafeking investi, le général Cécil et le colonel Baden-Powell durent organiser la résistance en faisant appel à toutes les troupes qui se trouvaient dans la ville. C’est alors que Baden-Powell, pour utiliser le plus grand nombre possible de soldats, eut l’idée de demander aux jeunes gens de treize à seize ans, d’assurer les services auxiliaires. L’expérience eut plein succès et les jeunes garçons organisèrent les liaisons et les secours avec beaucoup d’intelligence et de conviction. Baden-Powell remarqua à cette occasion que les enfants auxquels on confie des choses sérieuses en font un « jeu » et l’accomplissent ainsi en y mettant non seulement toute leur bonne humeur, mais tout leur cœur.

La guerre finie, Baden-Powell rentra en Angleterre et publia ses souvenirs, sans oublier la mission accomplie par les enfants au service de la nation. Pris par son métier militaire, Baden-Powell ne pensait plus à son livre mais celui-ci avait jeté sa semence : des équipes de football, des groupes de tourisme, séduits par l’idée, la reprennent, l’étudient et l’envisagent bientôt du point de vue éducatif. On sollicite Baden-Powell de développer sa pensée, de reprendre la question. Il le fait dans un livre « Eclaireurs » qui donne vraiment l’élan au mouvement d’éducation scoute.

En un an, plusieurs milliers de garçons adhérèrent. Il fallut fonder des associations, établir des statuts. Présentées à la Cour, les premières organisations y furent encouragées et l’on conseilla même à Baden-Powell — devenu alors général — de quitter l’armée pour prendre le commandement suprême du scoutisme, dont il était, en fait, le fondateur. C’est dire l’importance acquise par le mouvement à cette époque,

En 1908, un officier de marine, Nicolas Benoist, entrait en rapports avec le scoutisme anglais et introduisait peu de temps après le mouvement eu France.

Mais en Angleterre, des troupes de jeunes filles se constituaient à leur tour et réclamaient leurs statuts. Mme Baden-Powell, femme du général, prit la tête des sections féminines et le titre de « chef-guide ». Ces troupes eurent un rapide essor. Il en fut de même chez nous où les « Guides de France » devinrent l’équivalent féminin des « Scouts de France ».

Tous ces mouvements scouts officiels sont reliés au Bureau interfédéral siégeant à Londres et groupant douze pays, ayant chacun son délégué. Le comte Marty y est celui de la France. Mais ce siège fixé à Londres ne signifie nullement que le scoutisme soit soumis à des directives anglaises. Il est strictement indépendant.

En France cette vaste organisation ne cesse de travailler à son développement et à son extension, aux colonies notamment, où fonctionnent déjà des groupes très importants. Les « Scouts Tunisiens » dirigés par des chefs catholiques comptent beaucoup de jeunes musulmans, et « l’Association du Scoutisme Indochinois » est, elle aussi, en plein essor.

Il existe, d’autre part, des branches particulières, relie du Scoutisme marin et du Scoutisme aéronautique Celui-ci avec sa section de vol à voile, suscite beaucoup d’enthousiasme.

… Le sac au dos, la carte en main, le scout est prêt à partir en campagne.
… Le sac au dos, la carte en main, le scout est prêt à partir en campagne.

« Pour entrer dans le jeu »

Tel est le titre d’une petite brochure qui contient toutes les conditions requises pour être scout.

Le scoutisme comprend trois étapes. Les enfants de sept à onze ans, les « louveteaux » sont confiés à des jeunes filles appelées « cheftaines ». Pendant quatre ans, ils vont s’initier au « jeu » pour arriver au scoutisme proprement dit, avec une formation déjà solide.

Le jeune garçon entre alors dans une patrouille, petit groupe de six à huit scouts, dirigé par l’un d’eux. Deux ou trois patrouilles réunies forment une « troupe ». Il y a ainsi toute une hiérarchie de grades, toute une organisation de groupes, qui permettent de fixer au mouvement des cadres stricts et de déceler, chez ses adeptes, les caractères de valeur.

Mais la grande cause que sert le scoutisme, c’est celle de l’avenir. Il veut tout d’abord former les enfants qui sont venus à lui pour qu’ils deviennent des hommes, des individualités fortes, conscients de leur rôle social et dévoués au bien commun. Le scoutisme est une école de préparation à la vie. Il inculque aux enfants les qualités les plus précieuses : ta loyauté, le goût du travail bien fait, l’esprit d’initiative, le sens des responsabilités et l’amour du prochain. Et comme tout cela ne s’acquiert pas seulement par de bonnes paroles et des exhortations, les chefs du scoutisme ont fait de l’observation des ces préceptes., le fond même du jeu scout. Ils ont transposé en action le principe d’éducation.

Une réaction salutaire…

La vie moderne est débilitante, ce n’est un secret pour personne. Les conditions de logement, l’atmosphère des villes surpeuplées, l’activité fébrile déjà déplorables pour la santé de l’adulte, le sont beaucoup plus encore pour l’enfant qui a besoin non seulement de « se maintenir » mais de se développer harmonieusement. Dans les campagnes si l’atmosphère est meilleure, les conditions d’hygiène le sont souvent moins. Ce progrès lui-même, dont nous sommes si fiers, risque, si l’on n’y prend garde, de devenir dangereux par la facilité même qu’il apporte à la vie moderne.

La vie rude fait les hommes forts ; c’est pourquoi le scoutisme entend apprendre aux enfants à savoir se passer des commodités actuelles et à vivre dans les camps et sur la route, par leurs propres moyens. Le scoutisme apporte au jeune civilisé les vertus de l’homme qui lutte avec la nature. Et comme cette vie au grand air a ses directives données par fa loi scoute, ses principes guidés par l’esprit scout, elle est une merveilleuse école d’énergie et d’ingéniosité.

Certains parents s’effrayent peut-être des efforts demandés à l’enfant et des conséquences malheureuses que peut avoir tant de rudesse à laquelle il n’est pas fait. Main ce n’est pas parce que le scout couche sous la tente, affronte les intempéries qu’il prendra froid ou qu’il sera mouille et, par-là, risquera de prendre mal. L’équipement, le costume scouts, sont justement faits pour préserver l’enfant de ce danger. Une toile de tente est un abri plus sûr qu’il ne paraît, couvertures ou sac de couchage sont des remparts contre le froid, comme la pèlerine et les gros souliers permettront de braver sans crainte la pluie et la neige.

De plus, le scout n’est pas « abandonné ». Des chefs veillent sur lui et lui interdisent les imprudences que, seul, il commettrait peut-être, Enfin, et surtout, une pratique régulière du scoutisme donne rapidement à l’enfant une endurance, une résistance qui sont pour l’avenir la garantie d’une santé parfaite.

La vie au camp

Chaque semaine, mais surtout dès que les vacances de Pâques, de Pentecôte ou les grandes vacances permettent des déplacements plus importants, les scouts organisent une sortie ou un camp dans lequel, pendant quelques jours, ils pourront vivre intégralement leur vie généreuse.

De longs auparavant, le voyage a été décidé, préparé, mis au point. Le rôle et la tâche de chacun ont été définis et c’est avec joie que l’on voit approcher le jour du départ.

Dès L’arrivée sur te terrain réservé à la troupe, il faut procéder à l’installation du camp, monter les tentes, organiser les services d’eau, la cuisine, tirer parti de toutes les ressources de l’endroit et créer ce qui fait défaut. C’est là que l’esprit d’initiative de chacun peut se déployer et que son habileté lui viendra en aide. Il n’est pas pour l’enfant de meilleure méthode pour l’aider à se tirer d’affaire seul et pour acquérir cette aptitude aux travaux manuels, si utile dans l’avenir.

La vie au camp d’une troupe nombreuse nécessite, on le devine, un travail important. Mais ce ne sont pas pour l’enfant des « corvées » à accomplir, car il les fait avec cet esprit scout, cette bonne humeur et cette conviction qui les transforment et lui donnent l’assurance de travailler pour le bien de tous. Il les considère comme des « services ».

Le camp installe, la cuisine faite, les repas pris, commencent les Grands Jeux scouts dans lesquels l’enfant réalise enfin ce désir d’aventures dont nous avons tous rêvé, vers la douzième année. Le jeu, ici aussi, est pris très au sérieux par tous et comporte ses règles, son code d’honneur. Le scout, en « jouant » apprend à acquérir la droiture, la franchise, le respect de la promesse, et aussi à connaître la nature au milieu de laquelle il s’ébat joyeusement, le développement du corps n’est donc pas le seul bénéfice de ces jeux, l’esprit aussi y gagne des connaissances nouvelles, celle qui sont primordiales parce qu’elles apprennent les secrets de la nature. Le scout, dans cette partie des jeux, apprend aussi à garder son sang-froid, à montrer de la décision dans les moments difficiles, à se tirer d’un mauvais pas, et à savoir porter secours à autrui. Une écorchure sera pansée, une chute sera éditée par le camarade attentif et si elle a lieu, les scouts seront instantanément transformés en « secouristes »…

Toutes ces qualités acquises an cours du jeu seront plus tard utiles à l’homme. Elles lui auront donné un caractère.

Enfin, le soir, de nouveaux divertissements apportant à l’enfant le merveilleux sentiment de l’aventure. Ce sont les chants que l’on entonne en chœur autour du feu de camp, les danses folkloriques et les évocations des grandes explorations…

Après des heures d’efforts, voici le but atteint. Mais quelle récompense on découvre dans le silence et la solitude des cimes !
Après des heures d’efforts, voici le but atteint. Mais quelle récompense on découvre dans le silence et la solitude des cimes !

Le scout dans la vie

Le scoutisme n’abandonne pas, après seize ans, les jeunes gens qu’il a ainsi formés pour devenir des hommes dignes de ce nom.

Le scoutisme se continue par la « Route ». Les routiers ne forment plus une troupe organisée comme celle des scouts, mais ils s’efforcent à maintenir dans la vie courante les principes du scoutisme, notamment sur le plan des services sociaux et en contribuant à leur tour à la formation des scouts. Ces jeunes gens opposent à l’égoïsme, aux compromissions des temps présents, un esprit voisin de celui de la chevalerie française d’autrefois, tout de droiture et de fidélité.

Il n’est du reste pas nécessaire d’avoir été scout pour le respecter et s’en faire les disciples. Une large association : les « Amis des scouts », groupe près de deux cent mille adhérents parents et sympathisants de scouts. Si l’Angleterre donne aujourd’hui au monde l’impression d’une nation solide, fidèle à ses traditions, respectueuse de son passé et consciente de son rôle, elle le doit sans doute eu partie à cet esprit scout qui s’est développé chez elle depuis quarante ans (les scouts anglais sont au nombre de neuf cent mille) pour le plus grand bien du pays.

 

Pierre Leprohon. Nouveauté, le 05 mars 1939

 

1939-03-05_Nouveauté_ _Le jeu scout va commencer

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