Oh ! cela paye de la peine, me dit mon frère qui m’a devancé dans la partie herbeuse du sommet du col. En effet, le panorama majestueux des Alpes dauphinoises se découvre à nous. Le fond, c’est le géant des Alpes, le Mont Blanc. Plus près, étincellent au soleil : La Meije, Les Ecrins, la chaîne de Belledonne et tous les sommets qui font une couronne neigeuse à Grenoble, que l’on aperçoit dans la brume.
Nous avions depuis longtemps projeté cette traversée, qui n’est peut-être pas une « première », car certains diront peut-être que la dite traversée a été faite il y a une quinzaine d’années par des coureurs de moins de 30 ans actuellement, mais tant pis.
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8 heures du matin, en roule ! Nous remontons les gorges d’Engins, trop connues pour que l’on s’y arrête et, en ce matin de novembre, elles sont fortement ventilées. Bientôt, c’est le plateau de Lans et Villard-de-Lans où, après un casse-croûte, nous prenons le chemin du col de l’Arc, à 1743 m., d’altitude. « 2 h. 30 de marche », dit le panonceau indicateur ; en fait nous mîmes 1 h. 45 pour arriver au sommet.
Dans la splendeur automnale qui sème la pourpre et l’or dans les futaies proches ou dans les sylvains sombres, nous avions cheminé, tantôt pedibus, tantôt roulant jusqu’au clapier. Là, il faut porter le vélo, et ma foi, la montée, le vent du sud et le soleil aidant, nous éliminons pas mal de toxines dans ce passage. Enfin un dernier coup d’œil sur le Vercors, Villard-de-Lans, et nous atteignons le sommet du col, où un groupe de « montagnards » — qu’ils disent ! — fut sidéré de voir en pareil lieu des vélos. « Vous êtes fous de vouloir descendre à Claix avec vos vélos » ; tels sont les encouragements qui nous sont prodigués par eux. Et pourtant, nous voici après un ultime regard et une dernière photo, dévalant, le vélo sur l’épaule, les premiers lacets de la descente — celle-ci, il est vrai, n’est pas fameuse. Mais enfin on passe.
Le sous-bois où court le chemin est superbe — tantôt roulant ou poussant le vélo, nous descendons rapidement. L’aspect change, aux cimes élevées succèdent les monts de Chartreuse et ceux du Dévoluy. Bientôt nous débouchons sur le plateau Saint-Ange, d’où l’on découvre la plaine du Drac embrumée, Là, nous retrouvons le chemin carrossable ; dès lors, c’est une belle partie de roue libre qui nous amène à Claix.
Regrettant, malgré les quelques difficultés rencontrées, les heures trop courtes, en cette saison, le bon moment passé loin du bruit, dans cette féerie qu’est la chatoyante palette de la nature qui semble être le « Chant du Cygne » des beaux jours avant le sombre hiver.
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Voici l’horaire de la traversée du col dans Je sens où nous le fîmes :
- Grenoble 8 h.
- Villard-de-Lans 10 h.
- Sommet du col 12 h.
- Claix 14 h.
- Grenoble 14 h. 30
- Arrêts compris.
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Quoique la traversée soit plus pénible dans la descente que celle du Pas du col Vert, il n’en reste pas moins vrai que le cyclotouriste ne rencontrera pas de grosses difficultés dans cette traversée cyclo-muletière qui, malgré tout, est remplie d’attrait.
Marcel Routens. (F.F.S.C.) ; Le Cycliste, avril 1938