La dernière formule : « le camping -guerre »
Quelque part en France, entre Rhin et Moselle, on en parle. Dame, il y a tant de campeurs parmi nous, et puis la Nature n’est-elle pas toujours la Nature, même lorsqu’on est revêtu d’une tenue kaki ?
Notre camarade Gitenet nous le dit bien dans le numéro de novembre du Cri des Auberges :
« Je vous écris sur une caisse de conserves dans mon “bureau” qui est un aimable trou de “terre et feuillage” creusé par une main d’ex-campeur. »
Ah ! ces bureaux de style rustique et campagnard.
Et cet aimable trou « terre et feuillage ! »
Le rêve, quoi !
Pourtant l’ami Gitenet n’a pas tout vu. Qui décrira la poésie des feuillées en plein air ! planches de bois blanc et posées à bord franc.
Avec eau courante.
Celle des nuages, bien sûr !
Au fond, tout n’est qu’une simple question d’adaptation.
Vous rappelez-vous cette histoire de l’âne, qui s’adaptait chaque jour à manger moins ? Jusqu’au jour de sa mort.
Le jour précisément où l’adaptation l’avait conduit à ne plus manger du tout.
On se lave quand on peut, comme on peut.
La crasse, ça tient chaud. L’hiver surtout. Qui chantera le los de l’homme couvert de barbe ?
Oui ?
Puis dormir en plein vent n’est-ce pas, au fond le bivouac ?
Pauvres campeurs, qui roupillez sous l’Itisa ou la Canadienne, et qui ne connaissez pas la joie de rêver aux étoiles.
La rosée du matin, sur le coin de la gueule, c’est le bonjour de l’Univers.
« T’as le bonjour », m’a dit l’autre matin un « ex-campeur ».
Par exemple, les soirs sont durs.
Heureusement, l’ex-campeur du bataillon (pas le cycliste) a suggéré l’autre jour de faire un feu de camp.
Ça nous a valu une copieuse engueulade du commandant :
« Tas de ballots, nous allons nous faire repérer. » Commandant, vous avez raison.
Là, où « l’ex-campeur » a été ravi, c’est quand on aperçut la boîte de singe, vivre de réserve.
Hélas ! défense d’y toucher.
Mais lui, il rêve déjà au moment où, armé de son ouvre-boîte perfectionné avec rétroviseur (il l’a fabriqué avec un bout de fer et un miroir trouvés quelque part en France), il la pourfendra sans douleur…
Dans la tranchée, où l’eau arrive jusqu’aux chevilles, l’ex-campeur s’est creusé une vaste baignoire.
Quelle ingéniosité, diantre !
D’autant que nous n’avons pas été fâchés de lui refiler notre part de flotte.
Sur son harmonica, il s’entraîne à jouer la Madelon. La deuxième voix, s’entend.
Comme ça les heures sont moins longues.
Si un jour ça finit, l’ex-campeur aura l’impression d’avoir perdu quelque chose de ce qui faisait sa valeur individuelle.
Sacré boute-en-train !
Il y a comme ça des boute-en-train dont on voudrait pouvoir botter le train.