Tous les fervents de la vie au grand air connaissent le nom de Jean LOISEAU, qui fut dans notre pays un des pionniers du camping. Jean Loiseau est aussi l’auteur d’un « Manuel de Camping » qui fait autorité, et d’ouvrages extrêmement appréciés des campeurs, de tous les amis de la nature. Citons : « Camping et voyage à pied », « Cuisine de Camping », « Jeux d’exploration au grand air », et une étude très complète sur « Le massif de Fontainebleau ».
Jean Loiseau a bien voulu écrire l’étude qu’on lira ci-dessous, pour les nombreux lecteurs de « Regards » qui s’intéressent au camping. Ils ne sauraient trouver de meilleur guide.
Le Camping, curiosité d’hier, a vu, au cours de cette année, croître le nombre de ses adeptes d’une manière extraordinaire. Certains s’en félicitent et voient, dans ce développement, un renouveau de joie et de jeunesse, un grand progrès vers l’amélioration de la santé publique. D’autres, d’esprit plus chagrin, pressentent les dangers d’un succès trop rapide ; ils s’épouvantent à l’idée des violations possibles de propriétés et de l’enlaidissement de sites provoqué par les déchets des camps après le passage d’usagers peu soigneux !
Les uns et les autres ont sans doute raison. La pratique du camping en France pose de nouveaux problèmes à résoudre dans un avenir très proche, pour la satisfaction mutuelle des campeurs et des propriétaires ; les premiers désirant vivre en pleine liberté avec le minimum de contrainte, les seconds (individuels ou collectivités) voulant conserver leurs droits acquis.
Le camping est un sport charmant et merveilleux. Il est d’ailleurs à peine sportif lorsqu’il s’agit de camps fixes installés à demeure pour les vacances et permettant de se livrer ainsi à toutes les joies des bains, d’eau et da soleil, de la pêche, de l’excursion rayonnante et des ascensions voisines. C’est, surtout, une base d’activités réjouissantes, plus ou moins « actives » ou plus ou moins « paresseuses » selon le goût et le tempérament des pratiquants.
Mais le camping est beaucoup plus sportif quand il est envisagé comme auxiliaire de la randonnée pédestre, cycliste, nautique, même automobile. Il permet une intense liberté, un contact constant avec la nature ; mais il s’achète aussi par des efforts qu’ignorent les campeurs séjournant. C’est pourquoi, d’ailleurs, cette manière d’envisager et d’utiliser le camping est assez peu développée et convient surtout aux jeunes, aux vaillants, aux énergiques que n’effrayent ni les longues marches, ni les régions escarpées ou quasi désertes, ni les intempéries.
Dans le camping de séjour, on peut se servir d’un matériel de qualité courante dont on complétera les insuffisances possibles par quelques travaux d’ingéniosité pratiques, nouvelle ressource d’activité pour les camps de séjour.
Dans le camping de randonnée, au contraire, on doit utiliser un équipement bien étudié et bien au point, et plus la randonnée envisagée sera pénible ou importante, plus le matériel devra être adapté aux efforts à prévoir. Ces qualités essentielles sont :
Légèreté avant tout. Solidité à toute épreuve. Peu d’encombrement et peu d’entretien. Usage pratique maximum. On supprimera avantageusement tout ce qui n’est pas nécessaire.
Chacune des deux formes de camping décrites offre ses plaisirs. La première, celle de goûter à tous les charmes d’un beau site bien choisi. La seconde donne la joie des espaces parcourus, des horizons sans cesse renouvelés, de tout ce que l’on peut observer autour de soi.
Voici, par exemple, un groupe de personnes qui désirent pratiquer le camping de séjour. Elles s’inscrivent à un club spécialisé où elles trouvent la documentation leur permettant de dénicher le charmant petit coin où se dressera le camp des vacances. Puis vient ensuite le problème de l’équipement à résoudre. Il sera différent si l’on désire camper collectivement, semi-collectivement, par équipes indépendantes ou isolément. Nous allons étudier ces quatre formes de camp.
Camping fixe collectif. — Chacun se groupe dans des tentes de couchage à plusieurs campeurs ; tous les services du camp sont centralisés, le schéma n° 1 montrera la forme et la disposition d’un camp de ce genre.
SCHEMA N° 1 — Camp de séjour collectif installé sur la rive d’un lac ou d’une rivière.
A : grande tente de réunion, réfectoire. — B : batterie de feux et réchauds. — C : cuisine. — D : tentes dortoirs. — E : feu de camp. — G : garage à bicyclettes et motos : H : chef de camp. — 1 : séchoir à linge. — J : lavoir. — K : Plongeoir. — L : latrines. — M : Masques de verdure. — O : Incinération et trou à ordures. — P : tente à provisions. — R : Mât de camp.
Camping fixe semi-collectif. — Chacun apporte sa tente de couchage et s’installe dans un petit coin choisi par lui, autour du centre du camp, où se trouvent les services centralisés tels que l’indique le schéma n° 2,
SCHEMA N° 2 — Camp semi-collectif.
T : tentes individuelles. — L : latrines. — M : masque. — E : feu de camp. — H : partie collective analogue au schéma n° 1.
Camping fixe par équipes indépendantes. — Chaque équipe de 2, 3 ou 4 personnes organise son coin, l’aménage, y fait popote et cuisine indépendamment des autres équipes (schéma n° 3).
SCHEMA N° 3. — Camp à équipes indépendantes.
T : tente d’équipe. — C : cuisine d’équipe. — M : masque de feuillage. — L : latrines. — H : incinérateur. — 0 : trou à ordures. — E : feu de camp. — I : mât de camp.
Camping fixe individuel. — Chacun s’installe à sa convenance sur le terrain et s’y organise individuellement (schéma idem à n° 3) sauf que les tentes sont individuelles au lieu d’être destinées à des équipes.
L’adoption de ces différentes méthodes est affaire de goût et de convenances mutuelles. Les deux premiers systèmes sont particulièrement économiques, les deux suivants conviennent surtout aux campeurs qui désirent conserver une grande liberté et ne pas être astreints à des « tours » de service.
Le matériel. — Il existe une foule de tentes, popotes, outils pratiques pour les camps fixes et il est impossible de déterminer ce qui convient le mieux d’une manière générale. Nous ne donnerons que quelques aperçus qui pourront guider le choix des usagers.
Tentes. — Elles seront de préférence du type à armature et de grande capacité, à plusieurs montants, à abside fermée et auvent de protection à l’avant, surtout si l’on y fait la cuisine. Les tentes spéciales à provisions, cuisine, réfectoire, salon, bibliothèque, douches et latrines seront de formes et de dimensions appropriées au nombre des campeurs. Les tentes de couchage seront toutes à double toit — où deux pourront s’y tenir debout sans toucher la toile.
Couchage. — Chaque campeur emportera pyjama, sac de couchage, légère flanelle, couverture de duvet et matelas pneumatique. Ce dernier est plus utile que le lit de camp et plus propre et plus confortable que la paille qui donne trop souvent aux camps un aspect disgracieux d’écurie.
Popotes. — On utilisera, pour la cuisine, plusieurs foyers à gril et un four à rôtir fonctionnant au bois ou au charbon de bois, ainsi qu’une batterie de deux réchauds à forte chauffe ; les marmites, plats, passoires, louches, assiettes, bols, écumoirs nécessaires à l’ensemble des convives rassemblés. Des caisses, des sacs et des bidons renfermeront vivres, liquides et combustibles. On disposera, dans le sol, une « cave fraîche » et des marmites norvégiennes à boissons et aliments (on est souvent bien heureux de trouver, en rentrant de course, un repas chaud sans avoir à le préparer au retour).
Outillage. — Un ou deux piolets, une ou deux pelles, scie, hache, marteau, cordelette, fil de fer et des instruments de jeux, balles, ballons, croquet, crosses, fanions, arcs, javelots, etc., etc.
Ne pas oublier également la pharmacie et les trousses d’entretien.
Dans un prochain article, nous étudierons plus spécialement le camping de randonnée.
Jean LOISEAU. Regards, 29 juillet 1937
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