« La jeunesse prépare la paix » – Marianne 1937

Le monde ? Bobard !

Le monde, j’men f…s !

C’est le jeune chômeur de la zone qui dit ça, en enjambant le tas d’ordures devant sa baraque.

À la porte de Clignancourt, juste devant le Marché aux puces, je l’ai entendu en passant ; il l’a craché de côté, comme quelqu’un qui en a l’habitude.

Et l’autre, avec ses trois diplômes de hautes écoles, et pas de quoi payer sa chambre d’hôtel, assis sur le bord du lit en regardant les enseignes lumineuses qui tournent dans la fenêtre : « PRINTEMPS AUX ILES HAWAÏ. PAQUEBOTS DE L’AMÉRIQUE DU SUD. LE PAYS DU SOLEIL VOUS ATTEND… »

— Le monde, il s’en f…t que je crève !

Jusqu’à ce qu’un jour un copain lui dise :

— Écoute, si l’univers ne s’occupe pas de toi, c’est peut-être parce que tu ne t’occupes pas de lui ? Aujourd’hui, il y a une jeunesse qui ne se f…t pas du monde et qui sait que le monde ne se f…t pas d’elle. Une jeunesse mondiale.

À nous le monde !

Ce n’est pas un grand mot. C’est un fait. « Mondial » existe. Sans être identique à « international ». Les échanges internationaux de la jeunesse se développent largement au XXe siècle. Dès son début, ce siècle se place sous le signe de la jeunesse. Rencontres universitaires, sport, scoutisme. Mais toutes ces internationales – politiques, intellectuelles, éducatives, sportives – restent limitées par le nombre des pays qu’elles englobent et par le but spécial qu’elles s’assignent. Chacune appelle une certaine catégorie de jeunes : étudiants, sportifs, ouvriers, militants politiques ou religieux. Aucune ne peut ni même ne veut – les attirer tous. Après guerre seulement se précise une plate-forme commune suffisante : « Jamais plus de guerre ! »

1919 : la Ligue mondiale de la jeunesse est née. La nouvelle génération ne veut pas s’entre-tuer. Et même si la Ligue mondiale, l’Internationale des Jeunesses pacifistes et d’autres tentatives de groupements universels périclitent ou n’attirent qu’un nombre restreint de membres, elles préparent le terrain. D’année en année, l’après-guerre se dépouille de sa prospérité factice ; les jeunes constatent : « Non seulement nos aînés se sont entre-tués mais ils se sont entre-tués pour rien. » La crise s’abat ; les jeunes ne trouvent plus de places. Dix ans après la fin de la guerre, on commence à parler ouvertement de les mener en faire une nouvelle.

Chômage, guerre, ça les touche tous : ceux qui ont quinze ans et qui sortent de l’école, ceux qui vont en avoir trente et qui ont leurs diplômes universitaires ; ceux qui sont maçons et ceux qui sont médecins. Ils savent qu’une guerre sera – comme la dernière – mondiale : elle mobilisera ceux de Tien-Tsin et ceux de Cap-Breton, ceux de Belgrade et ceux de Flandres. Rien ne peut plus être localisé, ni la misère ni les mitrailleuses ni le désir d’en finir avec les deux.

En 1933, un homme dit : « La guerre rend sublimes toutes les énergies humaines et imprime le sceau de la noblesse aux peuples qui ont le courage de l’accepter. » (Benito Mussolini, « Encyclopédie de la Guerre ».) En 1933, un autre homme dit : « La guerre est le point culminant du développement humain. » (Général von Seekt, « Revue du ministère de la Guerre national-socialiste ».)

Ce même 1933, Congrès mondial de la jeunesse contre la guerre et le fascisme. Mais, de nouveau, le but n’est pas atteint. Pour la plupart, les organisations politiques seules se présentent à ce congrès. Or, cela ne suffit pas : les jeunes font passer la vie avant la politique. Leur but est : s’allier, par-dessus les divergences politiques, à tous ceux qui veulent la paix. Non pas camoufler un but politique sous un nouveau nom ; mais s’élever au-dessus du politique, vers l’humain, l’universel. Pour cela, il ne suffit pas de travailler contre, il faut travailler pour.

Paris, 1935 ; Conférence de la Jeunesse pour la paix, la liberté et le progrès ; la participation est plus multiple, les cadres plus larges ; les organisations des jeunesses républicaines y collaborent.

Constitution du bureau d’organisation de la Communauté universelle de la jeunesse – la première dans l’histoire du monde.

Presque en même temps naît le Rassemblement mondial des étudiants pour la paix, la liberté et la culture. Il n’est aucunement destiné à concurrencer la Fédération internationale des étudiants, organisation de première importance, mais essentiellement corporative. Le Rassemblement travaille parallèlement à la Fédération : car si les intérêts corporatifs des étudiants sont importants, leurs intérêts spirituels ne le sont pas moins. Ces privilégiés qui ont accès au savoir, et qui semblent par là, en principe, destinés à guider les autres jeunes, ont trop souvent tendance à se contenter de la lettre ; le Rassemblement les ramène à l’esprit.

Les deux nouveau-nés – Rassemblement mondial et Communauté universelle – réunissent non pas des individus, mais des organisations. En moins de trois ans, ils réussissent à grouper une grande partie, et, dans certains pays, la majorité, des organisations de jeunesse existantes. Rapidité inouïe : donc, nécessité urgente !

En collaboration avec l’Union internationale des associations pour la Société des Nations, et spécialement avec l’Union de la jeunesse pour la SDN, les nouvelles formations organisent la première rencontre véritablement mondiale, la première où soient représentées les différentes tendances religieuses et politiques.

29 février-1er mars 1936, Bruxelles : Conférence internationale de la jeunesse pour la paix. Vingt-neuf mouvements internationaux, deux cent quarante-huit organisations, trois cents délégués de vingt-trois pays, représentant DOUZE MILLIONS DE JEUNES.

Mot d’ordre : La paix a besoin des jeunes ; les jeunes ont besoin de la paix.

Patronage : lord Robert Cecil, Albert Murray, professeur Ruyssen, Selma Lagerlöf, Victor Basch, Jacques Delahoche – toutes les grandes voix qui depuis le début du siècle parlent pour la paix – et Romain Rolland, qui n’a pas cessé, durant tout l’après-guerre, de lancer des appels à la jeunesse.

Mais, sans le moins du monde diminuer le respect des jeunes pour leurs amis, ce mot de « patronage », plus tard, est changé en « collaboration ». La jeunesse marque ainsi son indépendance ; elle collabore avec l’Union pour la SDN, mais, en même temps, elle exprime ouvertement sa désapprobation sévère envers, les faiblesses de la Société des Nations. Car si la jeunesse est forcée de parer à la guerre, c’est parce que ses aînés ne l’ont pas fait. Si les moyens de paix (sécurité collective, sanctions économiques) ont échoué, c’est parce qu’on ne les a pas réellement mis en action. Avec sa franchise tranchante, la jeunesse le dit. Le problème n’est pas résolu : est-ce la faute au problème ? Est-ce la faute à ceux qui n’ont pas appliqué les règles ? À ceux qui ont espéré gagner, en trichant ? À ceux qui ont proclamé les grandes phrases et n’ont pas fait les grandes choses ?

Maintenant, les choses sont compromises avec les phrases. Paix ? Sécurité ? Ha ! ha ! Regardez-moi ces braves petits jeunes gens qui prennent ça au sérieux ! Qui se réunissent pour « agir » ! Pauvres gogos ! Mais les pauvres gogos serrent les rangs. Il n’y va pas pour eux de parlotes abstraites, d’un idéalisme vague : il y va de leur peau. Chômage, guerre : travail, paix. Mondial l’un comme l’autre. Pour tous les jeunes, du Tibet aux Pyrénées, de la Seine au Pacifique, ça veut dire : crevoter, geler, tirer la langue, et puis : pan sur quelqu’un ! Quelqu’un, pan sur nous ! Et c’est fini. Ou bien : vivre, construire, être utile, être heureux. Alors ?

Alors, désormais, les jeunes vont faire ce que les vieux ont dit. Les douze millions de pauvres gogos serrent les rangs et préparent le Congrès mondial de la Jeunesse pour la paix.

Ceux qui refusent

— Pourquoi ne participez-vous pas à ce congrès ?

Chez Capoulade, café noir, fumée, étudiants ; celui-ci appartient à l’un des partis nationalistes extrêmes.

— Parce que ça ne nous regarde pas. Notre but est de travailler à l’intérieur de notre pays. Chez nous et pour nous.

— Il faudra bien que vous pensiez à l’extérieur, s’il pense à vous ! Voulez-vous la paix ou la guerre ?

L’étudiant sourit. C’est certain ; honnêtement, sincèrement, il veut la paix.

Ce qu’il y a de chic avec les jeunes, c’est qu’on peut leur poser des questions de base ; ils savent répondre par oui ou par non. Ils ne craignent pas d’être élémentaires ; ils écartent les préjugés intellectuels, les ruses stratégiques ; avec eux, on peut aller au fond des choses.

— Chacun de mes camarades veut la paix comme moi. Mais nous ne croyons pas que les congrès puissent y faire quoi que ce soit. Voyez l’Éthiopie : la majorité des nations était pour elle, et qu’en est-il advenu ? Ce sont des mots, et ce ne sera jamais autre chose ! Le seul remède est de faire l’ordre chez soi, et d’être forts, assez forts pour que l’adversaire ait peur ! Tendre la main pourquoi pas ? Mais s’appuyer sur des armements puissants à nous, rien qu’à nous. Pas sur une sécurité collective illusoire, irréalisable, et qui n’aboutit qu’à la guerre !

— Admettons : mais cette sécurité collective n’a été essayée que vingt ans ; la sécurité par les armements l’a été pendant des siècles : à quoi a-t-elle abouti ?

— À des guerres, je ne le nie pas. Mais au moins réussit-elle, par la peur réciproque, par des pactes bilatéraux, à assurer des périodes plus ou moins longues de paix. C’est tout ce que nous pouvons désirer ! Soyons francs : vos histoires mondiales, collectives, et cetera, ne peuvent pas réussir tant que chacun met son intérêt à la première place ; et jamais personne ne cessera de le faire ! Jamais des sanctions ne seront appliquées par tous les pays, s’il y en a parmi eux un seul qui ait intérêt à ce qu’elles ne se soient pas ! Voyons, le christianisme propage la paix depuis deux mille ans : si une puissance morale aussi grande n’a rien pu, que peut une piteuse SDN, que peuvent des jeunes gens sans armes, sans force réelle ? Je suis sûr que, si dans deux mille ans je revenais sur la terre, je constaterais qu’il y a toujours des guerres !

— Alors, vous êtes antichrétien ?

— Du tout, je respecte beaucoup la religion, elle joue son rôle, mais il faut reléguer ces choses à leur place : celle d’accessoire. On ne peut fonder là-dessus des traités !

— Pratiquement, en dehors de toute morale, n’y a-t-il pas une interdépendance des peuples ?

— Encore des phrases ! Personne ne l’applique ! Tout le monde ferme ses frontières, fait des barrages économiques. Pourquoi devons-nous prendre l’initiative de la générosité ? À force de vouloir être trop généreux, nous sommes les poires !

— Et si un grand État attaque un petit ?

— Ça ne nous regarde pas, nous n’avons pas à intervenir.

— Supposez que vous – vous qui êtes assis là – soyez témoin du fait que contait l’autre jour un quotidien : un légionnaire ivre, d’une mission européenne civilisatrice, a embroché un enfant chinois sur sa baïonnette et a parcouru le village ; la mère suivait en hurlant. Vous diriez « Ça ne me regarde pas » ?

— Chacun doit améliorer les conditions dans ses colonies, ça va de soi. Mais qu’un soldat s’enivre et commette des excès, c’est inévitable. Il y a toujours eu des ivrognes et il y en aura toujours !

— Mais comment cet ivrogne a-t-il été éduqué pour pouvoir faire cela ? Dans quelle crasse ?

— Oh ! c’est un cas d’exception !

— Vous n’avez pas beaucoup de kilomètres à faire dans Paris pour voir ces « cas d’exception ».

— Allons, allons ! Il y a parmi les légionnaires des gens avec un passé très bien ! C’est l’instinct, pas l’éducation ! Nous revenons toujours au même : on ne peut pas réformer l’esprit humain !

Et ce jeune patriote polonais, qui confirme, devant la table à thé d’un salon chic, dans une villa sur la Côte d’Azur :

— Je ne dis pas que cette union mondiale soit l’idéal, mais, que voulez-vous, tant qu’il y aura des hommes, il y aura des intérêts, tant qu’il y aura des intérêts, il y aura des différences de fortune et des guerres. Soulageons, améliorons, empêchons le pire, et nous rendrons ainsi à l’humanité un service plus réel que les phraséologies sentimentales ! Mais ce qui restera toujours sacré pour nous, c’est la puissance de notre propre pays !

Et cette petite Allemande blonde, sur le quai du Mont-Blanc, à Genève, entraînée par le mouvement de la Jeunesse hitlérienne, arrachée à ses anciennes amitiés, et répétant obstinément : « Juste ou pas juste, c’est mon pays ! Je ne reconnais pas à des jeunes d’autres races le droit de me rappeler une justice abstraite ! Ils n’ont pas à fourrer le nez dans nos affaires ! Est juste ce qui est bon pour mon pays ! » Elle lève les yeux vers le consulat d’Allemagne face au quai, où flotte le drapeau à la croix gammée, gardé par deux agents suisses.

Sur un autre quai, celui de Passy, un autre jeune, un employé modeste, un de ceux qui ont marché le 6 février, répète avec la même vibration :

— Mon pays. Vous ne pouvez pas comprendre ! Mon pays. Je ne souhaite pas la guerre, depuis que des vieux qui y ont été m’ont expliqué ce que c’est. Mais je suis prêt à la faire pour mon pays. Oui, oui, je sais, il y a des profiteurs de guerre. Mais les profiteurs, c’est une chose, et l’honneur de mon pays, c’en est une autre ! Je le sens, entendez-vous, cet honneur ! Et malgré ses horreurs, la guerre engendre des actes héroïques qui n’auraient pas pu naître autrement.

— Vous qui êtes chrétien pratiquant, comment conciliez-vous l’héroïsme guerrier avec « Tu ne tueras point » et « Qui prend l’épée périra par l’épée » ?

Comme il est jeune et comme il est honnête, il ne cherche pas d’échappatoire. Il dit simplement :

— Il y a des choses auxquelles on ne peut pas répondre.

Oui, je sais, ces phrases paraissent faites exprès ; on me dira : « Vous inventez des prototypes. » Mais les jeunes qui ont dit cela se reconnaîtront, et aussi d’autres jeunes qui l’ont entendu dire. C’est primaire, certes, mais c’est comme ça qu’ils pensent, parce que les gens trop intelligents les ont dégoûtés avec leurs perpétuelles incertitudes et complications. Tout le long de 1936, j’en ai vu, de toutes les nationalités, de tous les nationalismes ; y compris ce blond de dix-huit ans, idéalement nordique et aryen, qui était déjà nazi quand sa famille l’a placé dans une école internationale de Suisse ; maintenant, après deux ans, il ne veut plus la quitter ; il ne veut plus admettre que le monde n’est bon qu’à être conquis. « Les premiers temps à l’école, je tâchais de ne pas frôler les nègres, les Juifs, les jaunes. Maintenant, mes meilleurs amis sont un Juif et un Persan. » Pour cet ex-nazi, le « Comment peut-on être persan ? » n’existe plus.

Bras dessus bras dessous, les compagnons de l’école internationale sont allés à Genève, saluer le Congrès Mondial de la Jeunesse – leur Congrès ! De petites Chinoises aux yeux intelligents, des Norvégiens solides, des Grecs, des Hindous, des Hongrois, un Islandais au nom de Viking, un Iranien au nom coulant comme du miel – plus de 700 délégués de trente-cinq pays ! Ce n’est plus douze, mais des dizaines de millions ! Quelle différence entre eux et les autres millions, dans tous les pays, qui ont refusé de venir ? Quelle différence entre cette jeunesse-là et celle des trois États qui se sont abstenus d’envoyer des représentants au Congrès – l’Allemagne, l’Italie et le Japon ? Entre des jeunes sincères et honnêtes d’un côté, sincères et honnêtes de l’autre, quelle différence ?

Ceux qui refusent ne croient pas. Ils ne croient pas que la paix soit réalisable, par quelque moyen que ce soit. Ils ne croient pas que l’homme soit perfectible. Ils ne croient pas que la justice puisse régner dans le monde. Ils ne croient pas que les intérêts égoïstes des individus et des nations puissent être subordonnés à l’intérêt commun. Ils croient que la guerre est éternelle. Ils croient que le mal est éternel.

Jeunesse du monde, défends la paix !…

…qui est le bien le plus sacré de l’humanité ! Nous, représentants de la jeunesse de trente-cinq pays, rassemblés à Genève où nous avons tenu du 31 août au 6 septembre 1936, le Congrès mondial de la Jeunesse, nous nous adressons à la jeunesse du monde. Venus de différents pays des cinq parties du monde, nous avons tous constaté ici le grand amour que les jeunes ont pour leur patrie, pour les peuples dont ils sont les fils et parmi lesquels ils veulent vivre dans la paix et par leur travail. Mais nous sommes convaincus, en examinant les dangers de l’heure présente, de l’affection profonde qu’ont toutes les jeunesses, justement en raison de l’amour qu’elles portent à leur pays, pour le grand idéal de la fraternité humaine qui, seule, peut assurer la paix et le bonheur dans le monde. Venus d’horizons philosophiques, politiques, religieux différents, mais animés d’un seul désir : celui d’éviter la guerre à notre génération, nous nous sommes réunis pour travailler ensemble, convaincus que c’est le seul moyen de faire entendre notre voix et de prendre part aux décisions dont dépendent notre avenir et notre existence même. »

Les résultats pratiques du Congrès ? Les jeunes délégués assistés de leurs aînés les plus compétents, professeurs aux universités européennes, membres du Bureau International du Travail, ont entendu des exposés sérieux et approfondis sur les questions les plus brûlantes, et ont réuni une documentation exacte.

Les thèmes fondamentaux sont :

L’organisation de la paix ;

Les moyens pacifiques de modifier l’ordre international : la sécurité collective et le désarmement ;

L’organisation économique et sociale du monde.

Sur ces thèmes, les jeunes ont librement échangé leurs opinions et, tout en réservant leur indépendance, ils ont établi un certain nombre de points communs. La possibilité même de trouver une base commune pour des partis apparemment aussi éloignés les uns des autres que le sont radicaux, socialistes, modérés, communistes, chrétiens, est une immense conquête, un commencement du Front Unique des Jeunes. Sur cette base commune se greffe l’action commune : nécessité du maintien de la paix, acceptation du système de sécurité collective, à condition qu’il soit effectivement appliqué.

Mais comment agir, quand on n’a ni tanks ni banques ?

Eh bien – pour commencer – par la pensée. Autrement dit par le travail de propagande et d’éducation. Tout mouvement qui a réussi, sait qu’il n’y a pas d’autre commencement.

Les jeunes ne prétendent pas inventer des recettes flambant neuves, sauf une seule : mettre les anciennes en pratique. L’esprit des vieux diplomates venus s’asseoir sur les bancs de la SDN n’avait pas changé. Il s’agit de changer celui des hommes d’État qui prendront leur place, de mettre dans les nouvelles outres du vin jeune et généreux.

Déjà, la collaboration s’avère plus étroite, plus loyale qu’entre anciens ; ainsi, les jeunes conservateurs anglais se sont associés aux libéraux, chose que n’ont jamais pu réaliser leurs aînés.

Dans des pays à tendance nettement conservatrice comme la Pologne, la Roumanie, la Bulgarie, le Congrès a provoqué un mouvement d’opinion libre parmi les jeunes.

Les délégués, revenus dans leurs pays respectifs, ont expliqué les buts du Congrès non seulement au sein de leurs propres organisations, mais dans tous les milieux de jeunesse qu’ils ont pu atteindre. Par ce travail constant d’information vivante, la jeunesse prépare une opinion publique véritable, qui saura exiger de son gouvernement et de l’union de tous les gouvernements des mesures efficaces pour la paix.

La jeunesse veut des plébiscites effectifs, des organes consultatifs populaires ; bref, non seulement une société des gouvernements, mais une société des peuples.

Les « Journées de la paix » réalisées dans nombre de pays au cours de 1936 ; la grève contre la guerre, faite dans un ordre parfait par cinq cent mille étudiants des États-Unis d’Amérique, sous la devise « La paix est indivisible » ; les trois cent mille étudiants chinois adhérant au Rassemblement Mondial et défendant en même temps la libération de leur peuple et celle du monde ; la solidarité avec la jeunesse espagnole, à laquelle même les jeunesses les plus pauvres des pays les plus lointains envoient de l’argent et du ravitaillement, tout cela ne prouve-t-il pas assez que l’action pratique des jeunes n’est pas à sous-estimer ?

« Le voilà bien, le bout de l’oreille ! s’écrient ceux qui dénigrent le Mouvement mondial de la Jeunesse. L’Espagne, naturellement ! Ce Congrès est dirigé par le marxisme ! » Certes, si l’on compte pour marxistes des chrétiens, des modérés, des universitaires d’Oxford et de Cambridge… Les jeunes souhaitent la paix en Espagne comme ils la souhaitent partout ; mais ils ne veulent pas admettre que les jeunes d’Espagne, parmi lesquels il y a des démocrates, des libéraux, des nationalistes basques, nombre de catholiques, et presque tous les intellectuels (l’UFEH, l’Union fédérale des étudiants espagnols, est tout entière enrôlée dans les milices) soient écrasés par une coalition d’agresseurs. Ils n’admettent pas que les écoles soient bombardées, sans au moins tenter de secourir la génération la plus jeune.

Et ils en appellent de nouveau à la jeunesse d’Italie, à la jeunesse d’Allemagne, à celles de leurs propres pays ; au lieu d’affirmer que le Congrès Mondial, la SDN, Lord Robert Cecil, l’Union des jeunes Gens chrétiens et tutti quanti, sont inféodés au communisme, ils leur demandent d’étudier sérieusement les faits et les documents que le Congrès met à la disposition de la jeunesse du monde… fût-ce la jeunesse antimondiale !

Nous n’avons pas peur

1937 : Menaces de guerre.

Tension entre gouvernements.

Peur.

1937 : Année de croisade de la jeunesse pour la paix.

Le Conseil du Congrès mondial de la jeunesse, réuni à Genève en janvier, dresse son plan d’action pour l’année qui s’ouvre, et rappelle aux jeunesses de tous les pays :

« L’amour de la paix n’est pas la peur de la mort.

LA PAIX QUE NOUS VOULONS EST UNE PAIX HEROÏQUE, satisfaisant aux vertus viriles que certains prétendent comblées seulement par la guerre. »

Nous n’avons pas peur de la guerre, voilà ce que déclarent les jeunes, mais nous n’avons pas non plus peur de la paix.

Nous n’avons pas peur de la mort, mais nous n’avons pas peur de la vie.

Nous saurons la construire et la faire grande.

Nous n’avons pas peur d’être trop généreux.

Nous en avons assez de la politique de la peur !

…« À condition que la Démocratie n’a plus honte de sa mystique et ne craigne pas d’affirmer qu’au prix de la sienne, les autres mystiques ne sont que des retours éphémères de barbarie… l’heure des vraies démocraties ne tardera pas à revenir », a écrit dans l’avant-dernier numéro de ce journal Jules Romains.

Nous n’avons pas peur ! proclame la jeunesse mondiale. Nous ne craignons pas de reconnaître que nous avons un idéal, que nous y croyons, et que nous voulons le mettre en pratique dans notre vie quotidienne, dans la vie de nos peuples et dans la vie du monde, de ce monde qui est à nous !

Juliette Pary – 17 février 1937 de Marianne

 

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