Le 22 septembre 1878, le jeune écrivain écossais Robert Louis Stevenson part à pied du Monastier-sur-Gazeille (Haute-Loire) avec l’ânesse Modestine. Douze jours, 220 km et beaucoup d’aventures plus tard, il arrive à Saint-Jean-du-Gard.
Fanny Osbourne, la belle américaine artiste peintre dont Robert Louis Stevenson est tombé amoureux lors d’un séjour à Barbizon, s’embarque en septembre en septembre 1878 pour l’Amérique. Elle va tenter de reconquérir sa liberté, d’obtenir le divorce et lui reste seul avec son trouble, sa peine.
Robert Louis Stevenson a besoin de se retrouver. La marche reste pour lui le seul moyen de réfléchir et d’atténuer les effets de phtisie dont il est atteint depuis l’enfance. Une autre raison c’est que pour épouser sa belle il a besoin de ressource, il tente alors de se relancer dans le reportage, la littérature de voyage, il prend alors le train pour l’Auvergne, la Haute-Loire.
C’est ainsi que l’écrivain se retrouve au Monastier-sur-Gazeille, une petite ville du Velay où il achève ses Nouvelles Mille-et-une Nuit et ses Notes pittoresques sur Edimbourg. « Le pays le conquiert par sa beauté sauvage, sa couleur locale, ses coutumes et ses vieilles traditions » nous apprend Jean-Marie Carré. Il séjourne à l’auberge du bourg, chez Motel, pour 3fr.50 par jour. Il y passe environ un mois avant de s’élancer vers le sud en direction des Cévennes.
Après une minutieuse préparation et le rassemblement d’objets aussi divers que variés, inutiles ou encombrants pour une telle expédition, Robert Louis Stevenson fait l’acquisition d’une ânesse qu’il nomme rapidement Modestine et s’élance sur le chemin le 22 septembre 1878 à 9h du matin.
12 jours de marche, de réflexions, de rencontres, d’écrits et de cohabitation avec Modestine le mèneront à Saint Jean du Gard où il prend une diligence pour rejoindre Alès.
Aujourd’hui cette randonnée de 230 km est connue sous le nom de « chemin de Stevenson » et référencée comme sentier de grande randonnée GR70.
Le récit de ce périple, Voyage avec un âne dans les Cévennes publié en 1879, demeure aujourd’hui encore le livre de chevet de nombreux randonneurs.
« Quant à moi, je voyage non pour aller quelque part, mais pour marcher. Je voyage pour le plaisir de voyager. L’important est de bouger, d’éprouver de plus près les nécessités et les embarras de la vie, de quitter le nid douillet de la civilisation, de sentir sous mes pieds le granit terrestre et les silex épars avec leurs coupants. Hélas! Tandis que nous avançons dans l’existence et sommes plus préoccupés de nos petits égoïsmes, même un jour de congé est une chose qui requiert de la peine. »
« Et pourtant, alors même que je m’exaltais dans ma solitude, je pris conscience d’un manque singulier. Je souhaitais une compagne qui s’allongerait près de moi au clair des étoiles, silencieuse et immobile, mais dont la main ne cesserait de toucher la mienne. Car il existe une camaraderie plus reposante même que la solitude et qui, bien comprise, est la solitude portée à son point de perfection. Et vivre à la belle étoile avec la femme que l’on aime est de toutes les vies la plus totale et la plus libre. »
Source:
Jean-Marie Carré – La vie de Robert Louis Stevensen – Gallimard, 1929
en version PDF: Voyage avec un âne dans les Cévennes