Les Scouts de France ont organisé un camp de formation de chefs du scoutisme de montagne qui s’est tenu du 24 au 31 décembre 1941, au chalet de Corbey, par Mussillon, vallée des Allues (Savoie), à une altitude de 1.600 mètres.
Il ne s’agit pas, pour les Scouts de France, de former une branche du scoutisme consacrée à la haute montagne, mais d’axer l’activité des Scouts de France sur les spécialités de leur province. C’est ainsi que les Scouts savoyards sont naturellement orientés vers les techniques de montagne, tandis que d’autres, sur les côtes s’exercent à la navigation, dans les plaines à l’étude de la nature, etc… A Pâques, les Scouts de France organiseront dans cet esprit un camp de formation de chefs marins en Provence.
Le chef de camp, Louis Liévois, avait été envoyé par le quartier général; il était assisté par l’aumônier diocésain de Tarentaise, M. l’abbé Boch, ainsi que par trois assistants, le chef Pierre Joubert, le célèbre dessinateur dont le talent est connu de tous les lecteurs des revues scoutes, chargé de la topographie ; le chef Jean Suraud, chargé de l’intendance et des questions de montagne; le chef Vincent, commissaire de district de Marseille, chargé de la signalisation, et un instructeur de ski, M. Borand, du Club alpin français.
Les campeurs étaient répartis en deux patrouilles : la patrouille des Aigles et la patrouilla des Chamois.
L’aumônier du camp, retenu par les nécessités de son ministère, était absent le Jour de Noël, mais le R. P. Galletet, O. P., aumônier scout, n’hésita pas à effectuer à bicyclette un parcours de 120 kilomètres pour venir célébrer la messe de minuit.
La veillée de Noël eut lieu, pour les campeurs, à Norel, petit hameau de 25 habitants, dans une salle de ferme où se pressaient, autour du poêle, une soixantaine de personnes venues des villages voisins.
Jeux, auxquels participèrent les enfants, chants, danses et légendes du pays meublèrent la veillée qui fut suivie de la messe, célébrée dans la chapelle, tandis que retentissaient les cantiques de Noël. De mémoire d’homme, on ne se souvenait pas d’avoir assisté à une veillée et à une messe de minuit dans ce hameau.
Le camp, en plus de son rythme habituel, comportait des travaux de cartographie, d’habileté manuelle, d’études de tracés et de piégeage et, évidemment, d’école de ski.
Une exploration régionale, pratiquée selon la méthode Deffontaines, que les Routiers scouts de France mirent les premiers en honneur, permit aux campeurs de rendre visite aux familles qui avaient participé, au hameau de Norel, à la veillée de Noël. Ils y furent très bien reçus et étudiaient les mœurs et coutumes des habitants.
Le mercredi 30 décembre, S. Exc. Mgr Terrier, évêque de Tarentaise, ancien aumônier scout à Cluse, s’en vint à pied et sac au dos rendre visite au camp. A l’issue du déjeuner, il dirigea, dans la grande salle du chalet, remarquablement ornée, une session sur la paysannerie et la nécessité d’un retour à l’équilibre paysan.
L’après-midi, Mgr l’évêque emprunta la luge pour redescendre vers la vallée.
Au cours des longues veillées, marquées par des chants folkloriques, par le récit des légendes du pays, les campeurs travaillèrent à tailler dans un madrier de sapin une grande croix de 2 mètres 50 de haut, sur laquelle ils sculptèrent la croix scoute, les écussons de Savoie et de Tarentaise, ainsi que le millésime 1941. Chacun eut à cœur de faire sa part de travail, sculptant avec amour les rosaces de la croix.
Le mercredi 31 décembre, à l’issue de la veillée de Saint-Sylvestre, marquée par des chants de montagne et des jeux, ainsi que par un chapitre sur le rôle civique des chefs, avec commentaires du message du Maréchal du 29 décembre 1941 à la Jeunesse, se déroula l’émouvante cérémonie de l’érection de cette croix à l’endroit même où les restes d’un vieux calvaire, menaçant ruine, se consumaient dans le brasier qui éclairait la scène.
Précédés de porteurs de torches de résine, les Scouts apportèrent la croix et la plantèrent dans le sol.
A minuit, l’aumônier du camp procéda à sa bénédiction, puis les Scouts s’en vinrent tour à tour, et selon le rituel, en baiser le pied.
L’envoi des couleurs, marquant 1e début de l’année 1942 en même temps que la fin du camp, précéda la messe de minuit, célébrée au chalet.
On sait quel idéal chrétien, civique et français anime les Scouts de France. Ce camp de formation de chefs au scoutisme de montagne a permis, entre mille autres activités, de mieux préparer des chefs scouts à leur rôle, en augmentant leurs possibilité d’action, grâce à une adaptation des techniques aux conditions physiques et régionales du pays.
Une cérémonie comme celle de l’érection de la croix, dans la splendeur nocturne de la montagne, la visite de S. Exc. Mgr l’évêque de Tarentaise, les travaux pratiques effectués, ont marqué d’un caractère très personnel ce camp dont les participants ne sont pas prêts de perdre ni le souvenir ni le précieux enseignement
Aussi bien, ce camp avait-il été placé sous le patronage de N.-D. de la Vie, qui est, dans une vallée voisine, l’objet d’un antique et vieux pèlerinage.
La légende prétend que si les mères présentent à la statue miraculeuse de la Madone leur enfant perdu avant le baptême, celui-ci ressuscite le temps nécessaire pour le baptiser.
On comprend dès lors que les Scouts aient choisi pour devise de ce camp : « Hauts et purs ». C’est tout un programme pour les campeurs de cette nuit du 1 janvier 1942, dont l’uniforme, adapté aux nécessités de la montagne, comportait le pantalon norvégien, le chandail et le blouson bleu avec insignes, le béret bleu avec la croix scout et le foulard blanc.
La Croix – 23 janvier 1942