60 tonnes de ciment hissées à 2400 tonnes d’altitude : Le Refuge « Temple-Ecrins » est à nouveau debout.
En Oisans, au-dessus du hameau de La Bérarde, capitale miniature de la montagne française, tous les amateurs d’abîmes ont peiné, lourdement chargés, sur le sentier muletier qui mène du Plan du Carrelet au Col de la Temple et connaissent cet emplacement rêvé pour le départ des grandes courses.
On est à 2400 mètres d’altitude, les derniers arbres accrochés dans la pierraille ont renoncé à grimper plus haut, déjà s’avancent moraines et séracs. Très haut, en face, les Ecrins, découpent leur dentelle de pierre, tout près meurt le dernier contrefort du Coolidge, à droite l’Ailefroide aux couloirs vertigineux allongés de grandes ombres bleues. Jadis s’élevait là un refuge en bois qui fut broyé par une avalanche voici quelques années.
« Jeunesse et Montagne » décide d’apporter la collaboration de ses Jeunes au C.A.F. et envoya, en août 1941, deux équipes de volontaires pour reconstruire, en ciment armé, ce refuge dans des conditions qui, cette fois, défieraient toute avalanche.
Soixante jeunes arrivent à La Bérarde et logent dans une grange avant d’élever une grande tente à quatre kilomètres de là, au Plan du Carrelet. L’équipe de travail y habitera et y prendra ses repas du soir. Le repas de midi sera pris sur le chantier pour gagner du temps. Malgré l’enneigement exceptionnel cette année-là, le travail s’organise. Par mulets, les soixante tonnes de ciment nécessaires sont hissées à 2400 mètres d’altitude jusqu’à Temple-Ecrins. Sous la direction de quatre maçons spécialisés, les jeunes se mettent au travail. Par endroit il faut retirer plus d’un mètre cube de neige avant d’atteindre le roc. A mesure que le mur du fond s’élève, de gros blocs de rochers sont entassés afin qu’ils fassent corps avec la paroi. Travail considérable qui empêchera le mur d’être emporté en cas d’avalanche et permettra un meilleur écoulement de l’eau.
Cependant, le 20 septembre, tous les murs de l’ouvrage sont terminés et les maçons redescendent.
Pendant que sans s’arrêter les équipes se relayaient à la tâche, ceux au repos tentèrent de magnifiques courses en montagne.
Les Bans, le Pic Jenny et le Sommet des Ecrins furent conquis par les cordées.
Aussi, remplissant cette double activité, ces volontaires de La Bérarde ont fait œuvre utile inaugurant, avec entrain, à « Jeunesse et Montagne », l’ère des travaux en haute altitude.
Nous de Jeunesse et montagne 1940-1944, éditions Publialp,1999, 224 pp