La mauvaise saison n’interdit pas le plein air. Bien équipés vous pourrez vous mettre en route !
En rédigeant cet article, il n’entre point dans mes intentions de vous décrire le camping en montagne l’hiver, sur neige ; cette forme de camping exige, d’ailleurs, un équipement spécial et des précautions toutes particulières. Nous désirons, plus modestement, vous apporter quelques renseignements sur la pratique du camping de fin de semaine pendant l’automne et l’hiver.
Cette année, les campeurs furent particulièrement nombreux et plus d’un charmé par les bons souvenirs des vacances passées, regrettent la fuite inexorable des beaux jours et s’apprêtent à plier soigneusement l’équipement de camping jusqu’au retour, ardemment souhaité, de la belle saison. Beaucoup de campeurs, en effet, ignorent les charmes du camping en saison hivernale. Ils craignent le vent, les longues nuits, la pluie, le froid.
Les intempéries existent réellement, et il serait bien vain de n’en point tenir compte, mais la nature offre aussi, par temps d’hiver, un visage nouveau, un aspect plus étrange et parfois plus tragique qu’il est fort intéressant de connaître et d’apprécier. Le charme de l’hiver réside, pour une part, dans ses paysages tristes et mélancoliques et dans les douces lumières des brumes ou des ciels voilés ; parfois le gel et le givre y apportent pour quelques heures, un décor somptueux, une véritable fête de neige et de cristal. Pour une autre part, l’hiver offre également un autre charme : c’est l’époque virilisante où vraiment le camping devient un sport et non plus seulement un agréable délassement. Le froid aiguillonne l’activité et vous parcourez sans déplaisir, et presque sans fatigue, des itinéraires qui seraient bien pénibles à réaliser, sac au dos, par les chaleurs étouffantes de l’été.
Le camping hivernal offre encore d’autres avantages : la campagne est solitaire, elle n’est plus envahie de promeneurs, les trains ne sont plus bondés comme en été, il n’y a plus à craindre de moustiques ! Vous me direz, tout cela est fort bien, mais revenons aux intempéries : le froid, la pluie, la neige ne vont pas être un désagrément bien gênant ? Eh bien ! non, c’est une simple question d’équipement.
Si, à la rigueur, l’été, on peut camper avec un matériel assez quelconque, en hiver il est nécessaire de posséder un équipement parfaitement efficace.
Quel est cet équipement ? Nous allons le résumer :
Vêtements. — On se couvrira de vêtements chauds et souples : bas de laine, pantalon de ski ou knick, sous-vêtements à grille, un bon jersey à manches, chemise molle de flanelle mixte, foulard de flanelle de laine et blouse campjack en toile ou cuir de couleur havane pouvant se fermer autour du cou et des poignets ; de bonnes chaussures imperméables permettront de passer allègrement les flaques d’eau et des gants de skieurs seront les bienvenus par les températures de gel. Comme coiffure, la plus pratique, à notre avis, est une sorte de bonnet de police en laine tricotée possédant deux rabats pouvant couvrir les oreilles. Enfin, on n’oubliera pas l’imperméable léger, forme cape, qui doit couvrir le campeur jusqu’aux genoux et le suroît de toile huilée, si efficace pour protéger le visage des pluies les plus tenaces.
Matériel. — Le matériel de camping devra être à la fois, léger, portatif dans le sac à dos (sac du type à « armature », a grandes poches et larges courroies d’épaules) et confortable. La tente sera soit dérivée de la canadienne à deux montants soit de l’itisa à montant unique.
En ce qui concerne la canadienne nous conseillons un modèle analogue à celui utilisé par l’expédition française de l’Himalaya et mis au point sous la direction de M. Raymond Gâché, c’est une double tente légère et confortable, absolument étanche à la pluie, très chaude et d’une parfaite tenue au vent. Son tapis de sol en cuvette, amovible ou non, permet de s’installer, sans inconvénient, soit sur la neige tassée, soit sur un sol détrempé.
Les types de tentes itisas ou pyramidales offrent peut-être plus de place, notamment dans le modèle « Haut. 160 » qui abrite quatre à cinq campeurs pour un poids total de 4 kg. 600. Cette tente munie d’un double toit enveloppant, d’un tapis de sol et d’un tapis de laine est très agréable l’hiver.
On s’y trouve moins enfermé que dans une canadienne et la forme semi-circulaire à la base, favorise l’intimité des repas pris sous la tente.
À ce matériel nous devrons ajouter un bon couchage. Un sac de couchage en duvet d’oie, de cygne ou d’eider léger et très chaud ; un matelas pneumatique qui donne un excellent sommeil et supprime toute impression de froid causée par le sol. La période très froide, un couvre-couchage en toile de tente sera nécessaire pour éviter l’humidité de condensation sur le duvet.
Nous apporterons des soins particuliers à notre matériel de cuisine. En hiver, il faut en général faire popote sous la tente ce qui réchauffe celle-ci et lui donne une très agréable température. Il faut donc utiliser un réchaud transportable, mais pas n’importe quel réchaud. Il faut se servir d’un brûleur à gaz d’alcool beaucoup moins dangereux que les réchauds à essence ou à pétrole que l’on doit proscrire absolument. Le matériel de popote sera le même que celui d’été, toutefois une thermos à conserver les boissons chaudes sera la bienvenue. Le seau à laver devra comporter une fermeture étanche, car par temps de gel, le seau sera rentré sous la tente et non laissé à l’extérieur.
Un autre matériel bien utile en camping hivernal est l’éclairage. Sous la tente l’éclairage le plus pratique reste encore la simple bougie ; mais à l’extérieur la lumière électrique fournie par une lampe frontale est réellement indispensable ; on a ainsi les mains libres pour lire la carte et monter la tente en pleine nuit.
Ainsi bien équipé, le campeur randonneur ne craint plus les intempéries, et il pourra se livrer chaque fin de semaine à des excursions qui lui permettront de retrouver la pleine nature à un moment où la plupart des gens restent calfeutrés dans leurs étroits appartements. Certes parfois il paraît dur de quitter la tiédeur du chez soi lorsqu’au dehors tout est pluie, grisaille et froidure, mais on ne le regrettera jamais et l’on reviendra avec une provision merveilleuse de joie simple et de bonne santé.
Essayez et vous en serez rapidement convaincu.
Jean LOISEAU. REGARDS, 7 octobre 1937
1937_10_07_Regards_Camping hivernal par Jean Loiseau